Les premiers enseignements de la “mission flash” sur la déscolarisation
La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation avait confié à deux députées, Anne Brugnera (LaREM) et George Pau-Langevin (PS), une « mission flash » sur la déscolarisation.
La mission a permis de révéler un certain nombre de difficultés, que les deux rapporteurs proposent de contribuer à résoudre par 9 propositions, rendues publiques le 18 juillet dernier. Un plus grand suivi des enfants est recommandé en s’appuyant notamment sur un recensement et des contrôles renforcés.
Les zones d’ombre de l’instruction à domicile
Un rapport recommande d’améliorer le recensement et les contrôles de l’État.
Combien d’enfants échappent aux radars des services de l’État et ne sont pas «instruits», comme l’exige la loi française depuis Jules Ferry? Une grande inconnue sur laquelle se sont penchées les députées Anne Brugnera (LaREM) et George Pau-Langevin (PS), dans le cadre d’une mission «flash» sur la déscolarisation et l’instruction à domicile. Elles rendent leurs recommandations ce mercredi.
«Est-ce que je vois passer tous les enfants?» C’est en tant qu’adjointe à la jeunesse et à la vie associative à Lyon qu’Anne Brugnera s’est posé la question, à partir de 2012. «J’ai vu passer des enquêtes de mairie préoccupantes, faisant état de familles repliées sur elles-mêmes, poursuit l’élue. Sur ce sujet, nous manquons de données et de suivi.» Selon les derniers chiffres de l’Éducation nationale, 30.000 enfants sont instruits à domicile, soit 0,3 % de la population en âge d’être scolarisée (de 6 à 16 ans). Une proportion marginale, bien éloignée des 3,5 % recensés aux États-Unis. «Mais elle progresse et mérite que l’on s’y intéresse», estime Anne Brugnera. Mieux connaître pour lever les suspicions, mais aussi mettre au jour les dérives sectaires et les situations de radicalisation religieuse. Sur les 2500 demandes qu’elle reçoit chaque année, la Mission de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) en recense un quart liées à des faits touchant les mineurs, dans lesquelles la dimension éducative est presque toujours mentionnée.
Parmi leurs recommandations, les deux députées suggèrent d’améliorer le recensement par les maires de la population scolaire sur leurs territoires. Une tâche dont les élus ne s’acquittent pas toujours, par méconnaissance de leur mission en tant qu’agents de l’État, mais aussi en raison de la mobilité croissante des Français, dans les grandes villes notamment. Parallèlement, le rapport relève que, dans le monde de l’instruction à domicile et des écoles hors contrat, les élèves n’ont pas de numéro d’identification, comme c’est le cas dans le public et le privé sous contrat. Un numéro qui permet de les suivre, au fil des radiations et inscriptions.
Contrôles peu satisfaisants
Le suivi des services de l’État pèche aussi sur les contrôles que les mairies doivent mener tous les deux ans et l’Éducation nationale tous les ans. Mais deux tiers seulement des instruits à domicile sont effectivement contrôlés, chaque année, par les inspections académiques. En 2016-2017, 7 % de ces contrôles ont été jugés insatisfaisants. Quelque 83 «mises en demeure de scolariser» ont été prononcées et 59 «informations préoccupantes» ont été transmises à la protection de l’enfance. Insuffisants en nombre, les contrôles pédagogiques pèchent aussi par leur contenu. Les inspecteurs doivent vérifier que l’enfant reçoit une instruction qui l’amènera, à 16 ans, à la maîtrise du «socle commun de connaissances et de compétences» défini par l’Éducation nationale.
Mais dans les faits, certains réalisent ce contrôle en se fondant sur la norme Éducation nationale. Ce que refusent haut et fort les défenseurs de l’instruction en famille qui font valoir une philosophie précisément différente. Jaloux de ce droit à instruire leurs enfants, inscrit dans la loi de 1882, ce monde rassemble toutes les catégories sociales, du «baba cool» altermondialiste au «bobo» parisien. Raisons philosophiques, idéologiques ou religieuses, défiance à l’égard de l’institution, mode de vie, situation de santé de l’enfant, harcèlement, phobies scolaires… Le rapport parlementaire dresse une longue liste de motivations, tout en distinguant les déscolarisations «choisies» et «subies».
Pour tous ces élèves, il préconise la mise en place d’évaluations scolaires identiques nationalement. Au risque de froisser les parents? «Nous avons besoin d’évaluation. Les familles n’y sont pas fondamentalement opposées», affirme Anne Brugnera. À la rentrée 2019, les tout-petits seront également concernés par les contrôles. Car, à cette date, l’instruction deviendra obligatoire à partir de 3 ans, comme l’a annoncé le président Macron.