Une récente étude de l’OCDE (cf. article du Figaro ci-dessous) montre que les directeurs d’établissements scolaires sont moins bien traités en France que dans la plupart des pays développés : salaires faibles, et responsabilités limitées (seules 10% des décisions appartiennent vraiment au chef de l’établissement !).
On parle là de l’école publique, car dans les écoles hors contrat, les directeurs sont les vrais responsables, sans dilution de responsabilité ou excessive lourdeur administrative, ce qui contribue beaucoup à l’attractivité de cette fonction. Nombre de personnes très qualifiées, notamment dans le contexte d’une reconversion professionnelle, se tournent aujourd’hui vers la direction d’école indépendante.
Dans ce contexte, la Fondation pour l’école ne peut que déplorer le fait que la loi exigeant désormais 5 ans d’expérience dans l’enseignement perturbe ce processus de recrutement des directeurs d’école.
Ainsi, un responsable d’éditions de manuels scolaires ou un chercheur n’ayant pas exercé de responsabilité d’enseignement ne pourra pas fonder une école. Un journaliste spécialiste de l’éducation non plus, sans parler d’un entrepreneur en logiciel éducatif…
De ce fait la loi Gatel, adoptée en avril dernier, est un frein évident à l’innovation pédagogique. Les restrictions de nationalités qu’elle impose en sont une autre preuve : des professeurs non européens -par exemple américains ou canadiens, ne peuvent désormais plus enseigner, sauf à demander une dérogation : tant pis pour ceux qui auraient pu apporter ici des méthodes ayant fait leurs preuves ailleurs ou l’enseignement des langues…
Les directeurs, ces mal-aimés de l’école
Faibles salaires et responsabilités limitées. Les directeurs d’école français sont particulièrement mal considérés en France. Dans son rapport annuel, «Regards sur l’éducation 2018», l’OCDE pointe cette exception. Pour tous les pays examinés, les salaires des directeurs d’école et des chefs d’établissement sont beaucoup plus élevés que ceux de leurs enseignants. Sauf en France.
Un directeur d’école maternelle ou primaire gagne 6,6 % de plus qu’un enseignant français alors que l’écart pour les pays de l’OCDE est de 38,5 % ! Il s’agit de la différence la plus faible des pays de l’OCDE, alors que les chefs d’établissement des collèges et lycées ont un bénéfice salarial équivalent à celle de la plupart des pays.
Le directeur d’école gagne ainsi 70 % de moins qu’un principal de collège, soit l’écart le plus élevé de tous les pays de l’OCDE (la moyenne est de 13 %). Le salaire faible des directeurs s’explique en partie par leurs «responsabilités restreintes», a insisté Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE. Ils n’ont pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants alors qu’ils bénéficient d’un vrai statut partout ailleurs. De fait, en France, seules 10 % des décisions sont prises au niveau des écoles dont seulement 2 % en autonomie totale.
Mission parlementaire
Même dans les collèges français, où les chefs d’établissement sont bien lotis par rapport à leurs collègues de maternelle et primaire, la moitié seulement des décisions sont prises par le chef d’établissement, contre les trois quarts dans les pays européens. Analyste à la direction de l’éducation de l’OCDE, Éric Charbonnier note un manque de coopération caractéristique du management à la française: seul un chef d’établissement français sur dix va observer ce qui se passe dans les classes, la proportion la plus faible.
« Ailleurs, c’est un métier à part entière qui dépasse de loin les problématiques de budget et de discipline. En France, les chefs d’établissement connaissent les évaluations de leurs élèves, mais ne savent pas comment ces derniers se situent par rapport aux collèges avoisinants. Comment voulez-vous qu’ils modulent les besoins en soutien scolaire par exemple ? », observe Éric Charbonnier.
Un vrai statut et un meilleur salaire seraient aussi, selon lui, un moyen de répondre à la crise d’attractivité de ces responsabilités. Une nécessité, selon lui, si l’État français veut obtenir un vrai pilotage des politiques éducatives au niveau des établissements. Accroître la responsabilité des chefs d’établissement est un vecteur d’amélioration du système éducatif d’un pays, comme l’a fait il y a dix ans le Chili, insiste l’OCDE.
Ces chiffres font écho aux conclusions d’une mission parlementaire sur les directeurs d’école passée inaperçue cet été. Confrontées au «malaise général» de ces derniers, qui «manquent de temps, de moyens et de légitimité» pour assurer leurs missions, les députées Cécile Rilhac (LaREM) et Valérie Bazin-Malgras (LR) entendent «revaloriser la fonction de directeur d’école» en créant un statut similaire à celui des chefs d’établissement du second degré. Ce corps serait accessible aux professeurs des écoles par voie de concours ou par validation des acquis de l’expérience.
Ces personnels bénéficieraient d’une formation initiale «beaucoup plus solide que l’actuelle». Leur rémunération serait également plus élevée. Ils disposeraient d’une autorité hiérarchique sur les enseignants et seraient également responsables pédagogiques, «pilotes» du projet d’école, en collaboration avec l’inspection. «Le directeur d’école doit devenir un manager», insiste Cécile Rilhac. «C’est une demande de nombre d’entre eux et de certains syndicats.»