Décollage en cours pour les écoles de production Abonnés
Longtemps ignorées, ces écoles forment des jeunes en situation d’échec scolaire à un métier. Elles se multiplient et une centaine devraient être opérationnelles en 2025.
Un article paru dans le journal La Croix, consultable ICI
Il n’est jamais trop tard pour grandir. Les écoles de production, fondées en 1882 par l’abbé Boisard, font aujourd’hui l’objet d’un engouement inédit. La 42e a été inaugurée au Havre, lundi 8 novembre, dans des locaux mis à disposition par la métropole. Elle va former des jeunes de 15 à 18 ans aux métiers de la chaudronnerie, avec un CAP puis un Bac pro à la clé, qui auront l’assurance de trouver un emploi à la sortie.
« Les entreprises ont beaucoup de mal à recruter dans notre secteur et elles sont séduites par notre mode de fonctionnement, avec des promotions d’une douzaine d’élèves seulement qui sont motivés et apprennent en travaillant », explique Stéphane Lelièvre, le directeur de l’école du Havre, lui-même ancien patron de PME. Les deux tiers du temps, soit vingt-quatre heures par semaine, sont consacrés aux travaux pratiques.
Une centaine d’écoles ouvertes en 2025
Dans les écoles de production, privées, les jeunes, dont la plupart n’ont pas trouvé leur voie dans le système scolaire traditionnel et se retrouvent en situation d’échec, réalisent des pièces directement commandées par des entreprises, facturées au prix du marché. Un système à mi-chemin entre le lycée professionnel et l’apprentissage, qui a fait ses preuves, en affichant des taux de réussite aux examens bien supérieurs.
D’ici janvier, trois autres écoles devraient voir le jour. Et ce n’est pas fini. En mai, le gouvernement a lancé un appel à manifestation d’intérêt (une procédure d’appels d’offres) pour doubler le nombre d’écoles d’ici à 2023. En tout, 45 dossiers ont été constitués. Même Dominique Hiesse, le dynamique président de la Fédération nationale des écoles de production (FNEP) n’en revient pas. « Nous devrions atteindre la centaine d’écoles dès 2025 », assure-t-il.
Le soutien de TotalEnergies
C’est bien plus tôt que prévu. En 2018, la fédération a signé un partenariat avec la fondation TotalEnergies pour créer 100 écoles d’ici à 2028, avec un soutien financier de 60 millions d’euros sur la période. Une aide décisive qui a permis de porter plus de projets, « en finançant les études de faisabilité, en aidant à la recherche de partenaires locaux et en soutenant les écoles au démarrage, à travers notamment l’achat des machines », détaille Manoelle Lepoutre, directrice de l’engagement à la Fondation TotalEnergies.
Depuis trois ans et avec 10 millions d’euros déjà investis, l’énergéticien a soutenu la création de 18 nouvelles écoles dans les métiers de l’usinage, de la mécanique industrielle ou encore de la métallerie ainsi que l’extension de 10 écoles existantes. « Il y a en France un problème d’insertion des jeunes dans la vie professionnelle. Nous tentons d’apporter une solution à notre échelle, car comme toutes les grandes entreprises nous devons participer à la vie de la cité », explique Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies. Le groupe a d’ailleurs décidé de changer la dénomination de sa fondation qui devrait bientôt s’appeler Fondation TotalEnergies pour la jeunesse.
Une reconnaissance officielle
Pour les écoles de production, l’argent n’est pas le seul nerf de la guerre. Il y a aussi le nouveau regard porté sur elles par les pouvoirs publics. En 2018, les écoles de production ont ainsi été reconnues officiellement par l’État comme une des voies de la formation professionnelle. « Au sein du ministère du travail, qui est notre autorité de tutelle, il y a clairement aujourd’hui la volonté de soutenir tous les dispositifs permettant de remettre les jeunes dans le circuit de l’emploi, relève le président de la FNEP. Des fédérations professionnelles qui ne nous connaissaient pas ou mal viennent également nous voir. »
L’Éducation nationale freine encore
Il existe encore cependant beaucoup de réticences au développement des écoles de production. « Faire voter une subvention n’a rien d’évident. Par idéologie, certains élus considèrent toujours que la formation des jeunes relève de la sphère publique et que les entreprises n’ont rien à y faire », souligne Jean-Baptiste Gastinne, le vice-président de la région Normandie.
Mais le plus gros frein reste encore celui du ministère de l’éducation nationale, qui voit lui aussi d’un mauvais œil l’essor de ces nouvelles structures, comme viennent d’ailleurs le rappeler plusieurs députés lors de la discussion budgétaire, en l’appelant à plus d’ouverture d’esprit.
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Les dates clés
1882. Louis Boisard, un jeune ingénieur de l’École centrale, crée les Ateliers d’apprentissage de l’industrie dans le quartier de la Guillotière à Lyon. Durant un siècle, le mouvement se cantonne à la région Rhônes-Alpes.
2001. Ouverture d’une école de production à Toulouse puis à Marseille en 2007.
2006. Reconnaissance par l’État des 7 écoles existantes comme « établissements privés d’enseignement technique participant de manière utile et efficace au service public de l’enseignement professionnel ».
2018. Les écoles de production sont reconnues dans l’article 25 de la loi du 5 septembre « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ».