La dernière enquête nationale du Centre National du Livre le confirme : « Les Français lisent de moins en moins, tandis que les écrans gagnent encore du terrain ».
Pourquoi ne sommes-nous pas étonnés ? Parce que nous le constatons bien dans notre propre expérience ! Que ce soit dans ses priorités personnelles, en famille, pour son travail ou ses loisirs, qui réussit la prouesse de garder du temps et de l’attention pour lire, lire vraiment, s’abstraire et s’immerger ?
Les écrans sont des amants jaloux qui font le vide autour d’eux en éliminant les rivaux. Le principal d’entre eux est le livre, support intime qui demande du temps.
Depuis 10 ans, le baromètre bisannuel du CNL/IPSOS est une source d’étude attendue sur les Français et la lecture. Largement commenté, il est une alarme mais se veut aussi un tremplin vers des mesures de relance qui s’apparentent à une reconquête.
À partir de conclusions saillantes de l’enquête, voici quelques pistes issues de multiples témoignages.
Lire sur un écran ?
Certains jeunes professionnels, à l’issue de leurs études, éprouvent le besoin de renforcer leur culture en « se remettant » à la lecture d’œuvres classiques, par exemple. Ils le font souvent par le biais du numérique et on les comprend, car ce support économique offre une réelle souplesse. Si les statistiques de lecteurs sur écran augmentent, le nombre global de livres lus baisse inexorablement.

Chez les moins de 25 ans, la proportion de ceux qui ont lu au moins 5 livres chute tout comme le nombre de livres lus par an (8 livres de moins qu’en 2023, dont un bon tiers de mangas).
👉 Il serait nocif de négliger la force singulière du livre papier. Il permet une concentration plus grande par une lecture immersive, sans notifications distrayantes, le plaisir sensoriel du papier en plus, pour un attachement plus fort.
Place à l'image ?
Le taux de Français ayant lu au moins un genre littéraire recule, révélant la lecture de moins de six genres littéraires différents par an. Vive la diversité pour ouvrir les champs de l’exploration ! Sans cet éventail de style, la sécheresse guette le lecteur, enfermé par exemple dans la BD (qui cède du terrain elle aussi), le manga ou la presse d’information.
👉 Se privant de fenêtres sur le monde littéraire, le lecteur exclusif perd en curiosité, son goût s’altère comme ce serait le cas avec une alimentation non diversifiée. Tout ce qui enferme est suspect !
Écouter des livres ?
Les livres audio progressent de 14 points depuis 2017. Quelle joie de penser que, par ce moyen, nombre d’adultes retrouvent le plaisir des mots, du rythme d’un ouvrage bien lu, par une belle voix, explorant ainsi des œuvres littéraires, en dépassant la difficulté du déchiffrage et de la concentration !

👉 Écouter n’est pas lire. Les neurosciences démontrent ce que le bon sens laisse entrevoir. La pratique de la lecture est un canal privilégié pour mémoriser un vocabulaire nouveau, appréhender avec intelligence la force d’un texte et le mettre en perspective grâce à sa propre bibliothèque intérieure. Si entendre un texte bien lu est une manière d’améliorer sa capacité de lecture, l’objectif est de conserver actif et en parfait état de marche ce canal de découverte du texte. La clé est peut-être d’alterner l’écoute d’une lecture partagée, même si l’on est adulte car il n’y a pas d’âge pour donner et recevoir ce cadeau, et faire l’effort d’une lecture personnelle, au cœur d’un livre, au fil des pages, par une musique intérieure.
Comment choisir un livre ?
Les lieux d’achat se concentrent autour des grandes surfaces culturelles (+ 6 points par rapport à 2023), devant les librairies, en baisse de 6 points (justement !) et les sites de vente en ligne, qui continuent de progresser. Est-ce une bonne nouvelle ?
Gageons que si cette tendance va croissant, à court terme les librairies indépendantes disparaîtront au profit de quelques points de vente privilégiant les chiffres aux lettres ! Qu’y perdra le lecteur potentiel ?
👉 La saveur d’un conseil personnel, l’écoute de ses goûts par une discussion réelle et non virtuelle, un regard, une voix… L’effacement des librairies indépendantes entraînera celui d’éditeurs courageux et libres, prenant des risques avec de jeunes plumes, hors des sentiers battus qui ont besoin de médiation. Les choix des lecteurs devenant moutonniers, la transmission de chefs d’œuvre, ciments culturels d’une nation, risque de tomber en panne.
+ : Pour aller plus loin
Dans cet épisode de Dessine-moi une école, le podcast de la Fondation pour l’école, Florence Le Roux reçoit Valérie d’Aubigny. La critique littéraire jeunesse vous partage sa vision de l’impact de la lecture sur le développement de l’enfant et nous livre des conseils pour leur donner le goût de lire !
Conclusion
La reconquête de la lecture passe par l’État, certes mais d’abord par nos personnes, nos familles et nos écoles, de manière subsidiaire. Soutenons les initiatives passionnantes à notre portée : concours d’écriture et de lecture comme le Prix Étincelle, partages intergénérationnels, boîtes à livres, 1/4 d’heure lecture à l’école ou en famille… Soyons inventifs !
Valérie d'aubigny
Critique littéraire jeunesse, pilote du site 123 loisirs, présidente du jury 2025 du prix Étincelle, co auteur d’ « Une bibliothèque idéale » et auteur de « Donner le goût de la lecture aux enfants ».
