Les écoles indépendantes font économiser 7000 euros par enfant à l’Etat

Nous reprenons ici une interview d’Anne Coffinier, parue dans Le Cri du Contribuable.

Anne Coffinier, énarque, normalienne et diplomate, est la fondatrice de « Créer son école », une association qui, depuis 2004, encourage et soutient la création d’écoles indépendantes en France. Elle a créé également la Fondation pour l’école et l’Institut libre de formation des maîtres. Interview.

 Il y a plus de 488 établissements indépendants, 19 ont ouvert en 2010. Est-ce beaucoup par rapport aux années précédentes et quel est le taux de mortalité de ces établissements ?

Il y a environ 20 ouvertures d’école indépendante (de la maternelle au lycée) par an et 2 à 3 fermetures en moyenne, souvent en raison de mises aux normes de sécurité à effectuer qui sont financièrement trop lourdes pour les écoles. Ces écoles sont très diverses : écoles Montessori, écoles de confession catholique et à pédagogie traditionnelle, écoles bilingues, écoles pour enfants surdoués…

Il y a indubitablement un développement réel des écoles indépendantes en France : 20 ouvertures par an, ce n’est pas rien alors qu’au même moment l’État et les directions diocésaines ferment des établissements partout en France.

C’est ce contraste qui est saisissant, surtout qu’il est difficile de créer des écoles indépendantes, lesquelles ne reçoivent aucune subvention ni aucun soutien de la part de la puissance publique alors qu’elles remplissent pourtant une mission d’intérêt général, qu’elles font faire de substantielles économies au budget de l’État (environ 7 000 euros par enfant) et que leur existence se fonde sur une liberté de valeur constitutionnelle : la liberté d’enseignement.

Les établissements indépendants vont-ils se développer encore ?

Aussi inexorablement que la dégradation de l’Éducation nationale semble inexorable. Les parents ont le sens de l’intérêt de leurs enfants. Ils cherchent ce qu’il y a de mieux pour eux. Et aujourd’hui ce qu’il y a de mieux, ce sont les écoles indépendantes. Nombre d’établissements privés sous contrat jadis prestigieux ne méritent plus aujourd’hui leur réputation d’excellence. Ce sont des machines à éjecter les élèves qui risquent de menacer leurs statistiques. Le bachotage et une stérile pression scolaire y règnent trop souvent en maître. Les programmes de l’Éducation nationale manquent de cohérence comme d’ambition. Les classes sont trop hétérogènes.

Au contraire, ce qui fait l’intérêt des écoles indépendantes c’est la cohérence interne : cohérence entre le directeur et les professeurs, cohérence des programmes et des méthodes, vision partagée de l’éducation qui se traduit par une bonne coopération et une bonne coordination interne pour le bien de l’enfant. Les écoles indépendantes se développeront donc de plus en plus. Mais si la puissance publique ne facilite pas davantage l’essor des écoles indépendantes à but non lucratif, qui se développent dans un esprit de service, ce sont surtout des écoles à but lucratif qui feront florès. Celles-ci sont beaucoup plus chères et probablement plus commerciales et utilitaristes dans leur approche et donc moins susceptibles de créer de véritables élites intellectuelles et spirituelles que les écoles à but non lucratif soutenues par la Fondation.

Il y a plus d’établissements hors contrat dans le premier degré. Pourquoi ?

Les fondateurs d’écoles hors contrat sont des personnes logiques et soucieuses de prendre le problème à la racine. Si les connaissances de base (lire, écrire, compter, calculer, mémoriser) ne sont pas enseignées efficacement et rigoureusement dès l’enfance, il est quasi impossible d’envisager un enseignement secondaire ambitieux ou original. À quoi bon vouloir introduire par exemple un bilinguisme précoce si la langue française n’est pas maîtrisée ? Comment pourrait-on développer des projets spécifiques si l’enfant bute sur des difficultés de lecture et si sa logique est faible ? Nombre de parents se tournent vers les écoles indépendantes pour être certains d’y trouver la méthode de lecture syllabique et l’apprentissage systématique et progressif de la grammaire, de l’orthographe et du calcul.

Le Grand Prix de Langue et de Culture Françaises que nous organisons montre qu’ils ont raison : les enfants des écoles hors contrat ont en moyenne une facilité d’expression et une richesse de langage très nettement supérieures à celles des cursus ordinaires.

Une école hors contrat pèse moins sur la collectivité, mais si l’on prend en compte la dépense des familles et des mécènes et qu’il s’agisse des salaires des enseignants, des investissements, des retraites et du reste des coûts par élève, l’école hors contrat est-elle plus chère ?

Scolariser un enfant dans une école hors contrat coûte moins cher à la Nation que dans une école privée sous contrat ou a fortiori dans une école publique. Par contre, cela coûte cher aux parents, bien sûr, puisque l’État et les collectivités publiques ne participent pas au financement de ce service d’éducation libre. Si l’on compare le coût global pour la Nation, les écoles hors contrat font réaliser de précieuses économies car elles sont gérées de manière plus performante. On sait qu’une entreprise privée est plus performante qu’une entreprise publique, ce n’est plus à démontrer. Il en est de même pour la gestion des écoles. Il faut bien sûr mettre à part le cas des écoles ouvertement destinées à des élites financières qui demandent des frais de scolarité volontairement dissuasifs : 20 000 euros l’année en demi-pension pour un collège, et qui relèvent d’une autre logique.

Y a t-il des moyens de comparer le niveau des élèves du hors contrat et celui des élèves scolarisés dans le système ?

Les écoles hors contrat sont de styles très variés, donc leurs résultats académiques sont par définition divers, certaines écoles étant dédiées à des élèves peu scolaires ou contestataires, d’autres à des enfants très précoces… Cela étant dit, il est évident que les écoles indépendantes présentent des atouts importants : les parents, très impliqués, exigent un résultat et n’hésitent pas à retirer leur enfant en cas de déception. L’équipe pédagogique est donc structurellement plus engagée, plus concernée par les résultats et, au-delà, par le bon développement de l’enfant. Les méthodes employées sont en général plus rigoureuses et préalablement testées avec soin.

Les effectifs par classe sont souvent plus légers et les enfants souvent tutorés individuellement. Ces atouts se traduisent dans les résultats aux examens de référence. Le nombre d’options au bac, si dévalué et trafiqué que soit désormais ce diplôme, traduit l’excellence des lycées indépendants. Le brevet des collèges (DNB) est une évaluation intéressante car les enfants issus des écoles indépendantes sont les seuls à n’avoir pas droit à des points acquis en contrôle continu. Ils doivent donc gagner l’intégralité de leurs points lors des épreuves, ce qui rend au brevet de son intérêt. Il y a aussi des moyens informels mais très efficaces de connaître la valeur des établissements hors contrat : parler avec leurs anciens élèves afin de juger de leur état d’esprit et de leurs connaissances.

Comment se distribuent pour l’instant les financements privés de l’école indépendante, de la part des familles et de la part des mécènes ?

Les écoles indépendantes sont financées par les familles à travers les frais de scolarité, et quand cela ne suffit pas, par des dons de bienfaiteurs privés (amis de l’école) pour boucler le budget. Les entreprises peuvent aussi aider à travers des dons. Par ailleurs, la Fondation pour l’école apporte des soutiens financiers à trente à quarante écoles par an pour environ un million d’euros de dons, tant à des écoles tout nouvellement fondées qu’à des écoles bien établies qui s’agrandissent. Les écoles aidées par la Fondation sont soigneusement sélectionnées par notre Comité des dons de manière à garantir à nos bienfaiteurs que leurs dons seront utilisés conformément à leurs souhaits au profit d’écoles conformes à notre charte et rigoureusement gérées.

Il existe aussi des organismes qui octroient des bourses aux enfants issus de familles à faibles ressources ou de familles nombreuses. Il est en effet à noter que les élèves des écoles indépendantes appartiennent pour plus de la moitié à des familles situées en dessous du seuil d’imposition. Contrairement à une idée reçue, donc, les enfants fréquentant les écoles indépendantes ne sont pas issus de familles riches.

Propos recueillis par Marie Saint-Geoire.
Article publié dans
Le Cri du Contribuable le 30 août 2011, et dans le n°3 des Dossiers du Contribuable, « Enseignement public : ruineux et efficace !