Parce que la formation des maîtres, dans les IUFM comme dans les CFP, étaient aux mains de pédagogistes qui déstabilisaient les futurs maîtres d’école au lieu de les préparer à leurs responsabilités (cf. le Journal d’une institutrice clandestine de Rachel Boutonnet publié en 2003 chez Ramsay), le gouvernement a supprimé les IUFM en 2010 et redéfini les modalités d’accession à cette profession pour l’école publique ou sous contrat. Résultat : jusqu’à présent, les futurs maîtres d’école ont été privés de toute formation pratique les préparant à la réalité de leur métier et de la vie en classe. Une grande angoisse s’est emparée de la plupart des jeunes professeurs. Nombre de cours privés d’accompagnement des professeurs ont vu le jour depuis lors, pour la plus grande fortune de ces nouveaux coachs.
A l’ILFM, nous pensons qu’enseigner est un artisanat, pas une science. Un artisanat humble et lent qui prend en compte la nature de l’enfant, comme le sculpteur tient compte des veines du bois, et qui se nourrit aux meilleures traditions. Des générations d’instituteurs des écoles catholiques comme de l’école publique ont mis au point des manières simples et efficaces d’exposer les connaissances aux enfants. Il faut déjà les connaître et les maîtriser avant de prétendre vouloir innover.
La formation à l’ILFM est donc une formation en alternance qui donne une grande place aux stages dans les écoles : lors de leur première année d’étude, nos élèves effectuent quatre stages de deux mois, dans les écoles sous contrat ou hors contrat, auprès de maîtres réputés, successivement en Maternelle-CP, CE et CM. C’est indéniablement une des grandes forces de cette formation qui a fait sa cinquième rentrée le 16 septembre dernier.
Dans les stages, les étudiants bénéficient ainsi des conseils pratiques des maîtres de stage ou tuteurs qui gardent sur les stagiaires un œil bienveillant mais rigoureux. Ils ont à cœur de les guider et de leur transmettre les clés et les ficelles du métier…
Se retrouver devant une classe avec des enfants bien réels sans y avoir été préparés sinon en théorie est nécessairement déstabilisant pour les jeunes maîtres qui se retrouvent ainsi totalement démunis et décontenancés. D’où la nécessité de stages où les étudiants commencent par observer le maître référent puis préparent, sous sa tutelle, leurs premiers cours, puis se voient confier la classe de plus en plus longtemps jusqu’à pouvoir faire cours seuls, en responsabilité. Dans ces stages, les élèves doivent apprendre l’organisation et la préparation d’un cours, l’évaluation des élèves, la gestion des élèves, l’exercice de l’autorité, le juste positionnement vis-à-vis des élèves, de leurs parents, des directeurs… toutes situations que l’on ne peut aborder de manière théorique.
Dans ces stages, les apprentis instituteurs apprécient grandement les critiques et l’accompagnement que leur donne leurs maîtres référents. Accueillir un stagiaire est une lourde responsabilité pour un professeur. Ce peut être pénible mais c’est aussi une responsabilité gratifiante : ils ont la satisfaction de voir peu à peu se transformer les personnes qui leur sont confiées le temps du stage. Ils savent qu’ils jouent un rôle déterminant dans les progrès des étudiants et dans la construction de leur pratique. Ils sont des passeurs, des accoucheurs. Ils forment la relève et cela vaut bien des fatigues !
Fawzia Barrage, directrice adjointe de l’ILFM
fawzia.barrage[at]fondationpourlecole.org