L’association du Rocher existe depuis l’an 2000, quelle est sa mission ?
Lancée en 2000 par Cyril Tisserand, éducateur de rue, l’association Le Rocher Oasis des Cités est présente dans sept quartiers populaires en France : Bondy Nord (93), Lyon 8e (69), Toulon Sainte-Musse et Toulon La Beaucaire (83), Marseille quartier Nord (13), Paris 10e (75), et Les Mureaux (78). Elle y mène des actions éducatives, sociales et culturelles au service des enfants, des adolescents et adolescentes, des adultes et des familles.
Notre conviction est que l’action éducative ne porte ses fruits que si les parents sont impliqués et nos équipes associent sur le terrain les jeunes et les adultes dans des actions de « co-éducation ». Nous mettons en place des animations de rue tous les mercredis après-midi, une aide aux devoirs quatre soirs par semaine, un centre de loisirs qui propose : l’accueil des jeunes le soir en périodes scolaires, des ateliers spécifiques les mercredis (atelier créatif, théâtre, danse, etc.), des sorties, des camps, des accompagnements individuels et familiaux, un café des femmes, des repas de quartier… et d’autres activités en fonction des besoins locaux observés sur le terrain.
Quelques chiffres de l’année 2010
- 200 jeunes à l’animation de rue chaque mercredi après-midi
- 150 animations de rue dans l’année
- 180 jeunes inscrits à l’aide aux devoirs, 3 ou 4 soirs par semaine
- 280 journées d’ateliers pédagogiques et sorties pour les jeunes, les mercredis, week-ends, vacances
- 150 jeunes ont vécu des camps (24 camps), aventure en plein air, au cœur de la nature
- 250 familles visitées et suivies régulièrement, tout au long de l’année
- 80 femmes accompagnées (ateliers éducatifs, alphabétisation, démarches administratives…)
Comment vous est venue l’idée de créer une petite école ?
Depuis 2005, Le Rocher œuvre dans le quartier de La Beaucaire à Toulon. Dès le début, une aide aux devoirs a été mise en place les soirs de semaine. Nous nous sommes vite rendu compte que, pour ceux qui étaient déjà en décrochage scolaire ou en grosses difficultés, cette réponse n’était pas suffisante. Il y a quatre ans, l’enseignement catholique du Var était venu rencontrer Le Rocher dans la volonté de revenir à sa vocation première, à savoir l’enseignement au service des plus pauvres. Un groupe de travail a donc commencé avec des personnes de l’enseignement catholique et du Rocher pour réfléchir à une solution : quel public, quelle tranche d’âge, quel type de projet ? Plusieurs pistes ont été explorées. Finalement, une association d’éducation populaire a été créée avec la tutelle diocésaine, le directeur du Rocher, et le responsable de l’antenne de La Beaucaire pour la mise en place d’une classe. En outre,la Croix Rouge apporte son soutien financier.
Vous avez donc créé une école hors contrat. En quoi estimez-vous que la liberté qui vous est donnée dans votre classe grâce à ce statut d’école indépendante permet de mieux répondre aux problèmes d’instruction et d’éducation des enfants ?
Nous avons pu choisir notre institutrice, et elle-même a adhéré librement au projet, parce qu’elle y croyait. Il faut noter qu’elle a décidé d’habiter dans la cité de La Beaucaire, vivant pleinement la mission du Rocher. Par ailleurs, nous pouvons choisir librement notre matériel pédagogique et nos méthodes d’apprentissage, les faire évoluer en fonction des progrès, réussites ou difficultés des enfants. C’est essentiel dans une classe expérimentale commela nôtre. Celanous permet de répondre, au mieux, aux différents besoins des enfants et de les faire progresser à leur rythme, sans crainte de ne pas avoir terminé le programme.
En tout état de cause, pour les trois premières années, nous ne pouvions pas avoir accès à un poste de professeur des écoles.
Comment cette école est-elle financée ? Combien de bénévoles sont-ils impliqués dans l’école ?
L’école est financée partiellement parla Croix Rougeet par l’Enseignement catholique du Var. Le Rocher travaille à trouver le reste des financements en sollicitant notamment des fondations d’entreprise.
En plus de l’institutrice diplômée de l’Éducation nationale, plusieurs personnes interviennent dansla classe. Deuxvolontaires de service civique du Rocher viennent une heure par semaine pour le chant et l’anglais. D’autre part, une professeure vient bénévolement deux matinées par semaine et une autre une heure par semaine. Les enfants ayant chacun un niveau très différent, cela permet d’assurer un accompagnement personnalisé.
Les enfants de l’école bénéficient également de l’accompagnement à la scolarité organisé tous les soirs, durant une heure, par Le Rocher, un bénévole ou volontaire prenant en charge un ou deux enfants.
Combien d’enfants sont-ils concernés par le décrochage scolaire dans le Beaucaire en primaire ? au collège ? au lycée ? Etes-vous déjà sollicités pour accepter davantage d’élèves ? Et par qui ?
Le niveau scolaire de la grande majorité des enfants est très faible. L’ensemble du quartier est en effet classé dans les réseaux de l’éducation prioritaire en Réseau Ambition Réussite. Dans chaque classe, on peut constater qu’il y a environ cinq ou six élèves concernés par l’illettrisme (difficultés au niveau de l’expression écrite et orale).
Au collège, vu le nombre de jeunes traînant dans la rue aux heures scolaires, le taux de décrochage est important. Quant aux lycéens, ils sont rares.
Nous avons régulièrement des demandes de la part de familles du quartier qui souhaitent que leur enfant intègre la classe en cours d’année mais, pour le moment, nous nous concentrons pleinement sur nos six élèves. Nous envisageons d’augmenter l’effectif pour la rentrée scolaire prochaine, sans toutefois dépasser douze élèves.
D’une manière générale, nous constatons une grande inquiétude des parents qui nous sollicitent à travers l’accompagnement à la scolarité du Rocher. Ils sont de plus en plus nombreux à ne plus faire confiance à l’école du quartier pour la réussite scolaire de leur enfant.
Votre institutrice a-t-elle été formée à des méthodes spécifiques ?
L’enseignante de la classe est professeure des écoles, elle a exercé durant trois années en Seine-Saint-Denis où elle a développé une expertise du public en difficulté scolaire. En outre, elle s’est formée durant l’été 2011 à l’enseignement dela méthode Jean QuiRit. Elle commence aussi la formation ALCUIN.
Quelle place accordez-vous aux familles ? Vous demandent-elles de garder plus longtemps leurs enfants dans votre école ou sont-elles pressées qu’ils rejoignent le système ordinaire ?
L’un des objectifs de la classe est de travailler à améliorer la relation parents-école et ainsi casser le clivage entre le monde de l’école et le monde dela maison. Selonles enseignants, la première cause de l’échec scolaire est le manque d’implication des parents (Rapport sur les représentations de la grande difficulté scolaire par les enseignants – Ministère de l’Education Nationale – 2007). Or, dans le système scolaire actuel, l’enseignant n’a pas vocation à aller visiter la famille chez elle. L’école invite les parents à venir en son sein mais pour des familles en marge, l’école fait peur.
Ainsi, dès le début, nous avons voulu instaurer une ambiance familiale. La rentrée scolaire s’est faite autour d’un petit déjeuner d’accueil pour les élèves et leurs familles. Nous travaillons ce lien le matin et le soir au portail. L’enseignant de la classe va visiter les parents chez eux pour leur permettre de s’impliquer dans la scolarité des enfants. C’est d’ailleurs un aspect qui l’a tout de suite séduite.
Les parents appellent au Rocher lorsqu’ils ont quelque chose à faire remonter. Ils accompagnent les sorties scolaires et aident au ménage de la classe.
Cette proximité avec le monde de l’école est une réelle nouveauté pour les parents. Aussi, il est actuellement impensable pour eux de songer à la réinscription leur enfant dans le système scolaire ordinaire.
Pour vous, qu’est-ce qui peut montrer que vous faites un bon travail ? Comment évaluer la qualité de ce que vous faites ? Au terme de cette année ou de deux années, qu’est-ce qui établira le succès ou l’échec de cette première école du Rocher ?
Nous prenons en compte la satisfaction des parents, l’épanouissement des enfants, l’accueil des écoles publiques du quartier, une reconnaissance de la part de l’Inspecteur académique. Notre évaluation souhaite ne pas se limiter aux données objectives et quantifiables mais intégrer le développement intégral de chaque élève (épanouissement personnel, savoir être…).
Nous évaluerons les progrès fait par rapport à leur niveau de début d’année. Nous pensons même que certains auront acquis tout le programme de leur classe. Sur le long terme, nous souhaitons que les enfants soient des élèves épanouis et à l’aise dans leur classe (au dessus de la moyenne de classe). Et c’est déjà ce que nous observons aujourd’hui. Les enfants sont heureux de se rendre à l’école et nous le disent.
Si l’école est plébiscitée par les parents et que vous en faites aussi un bilan positif, envisageriez-vous de créer d’autres écoles de ce type ? Où ?
Les problèmes d’échecs scolaires ne sont pas propres à la cité de La Beaucaire et se retrouvent notamment dans les différentes antennes du Rocher, qui sont au nombre de sept actuellement. C’est pourquoi nous aurions le désir de créer d’autres écoles de ce type, là où l’association Le Rocher Oasis des Cités est présente.
Vous trouverez ici le rapport d’activité 2010 de l’association Le Rocher