Ce support interactif a été mis en place dans le cadre d’une mission d’information sur la carte scolaire, créée en janvier 2012 par la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat. Cette nouvelle forme de démocratie directe, très innovante, est intéressante car elle devrait permettre de collecter des « retours d’expérience » qui complèteront des visites dans diverses académies et des auditions techniques, ces dernières faisant la part belle aux syndicats.
Comme l’explique Mme Cartron, rapporteur de cette commission (sénatrice de la Gironde, socialiste), « l’assouplissement de la sectorisation initié à la rentrée 2007 avait l’objectif de favoriser l’égalité des chances et la diversité sociale au sein des établissements, et d’offrir plus de choix aux familles en termes de mobilité. Presque 5 ans après sa mise en place, nous avons souhaité évaluer les conséquences de cette déréglementation », notamment dans l’éducation prioritaire, en termes de mixité sociale et de répartition des élèves et des moyens entre les établissements.
Rappelons que la carte scolaire, créée en 1963, avait pour but d’affecter les élèves dans les établissements scolaires d’un secteur géographique donné. Il n’était guère possible d’y échapper, sauf mesures dérogatoires, ce qui donnait lieu à divers subterfuges de la part des familles. Conçue au départ pour désengorger les lycées de centre-ville au profit de nouveaux établissements de banlieue, la carte scolaire est devenue par la suite seulement un enjeu politique lié à la thématique de la mixité sociale. Dès 1984, diverses mesures d’assouplissement furent menées, mais sans réelle évaluation. En décembre 2007, Xavier Darcos, alors ministre de l’Éducation nationale, annonçait la suppression de la carte scolaire mais cette mesure n’a jamais été appliquée. Seul un assouplissement des conditions de dérogation a été mis en place, ce qui est bien différent.
Cette évaluation, comme tout audit de réforme, est une bonne initiative en soi. Mais il faut bien voir qu’elle ne dira rien sur les effets que pourrait avoir une suppression totale de la carte scolaire au profit du libre choix intégral de l’école publique par les parents. En effet, ce serait une erreur de logique de penser que la suppression totale aurait les mêmes effets que la libéralisation de la carte, mais en plus prononcés. Pourquoi ? Parce qu’obtenir une dérogation reste aujourd’hui un processus long, aléatoire et complexe, qui reste inaccessible aux non–initiés et donc aux populations les moins favorisées. Sans compter que l’accord – ou le refus – de la dérogation étant communiqué à l’été, les familles inscrivent généralement l’enfant en parallèle dans une école privée pour le cas où la dérogation publique serait refusée. Des doubles inscriptions coûteuses en temps et en argent.
Ces difficultés et cette opacité expliquent que les demandes de dérogation émanent fort peu des élèves boursiers comme l’explique un récent rapport, cité dans Le Monde : A l’échelle nationale, seules 9 % des dérogations en 6e sont accordées aux boursiers, qui ne sont que 4 % à en faire la demande. Il y a en revanche fort à parier que les premiers utilisateurs de ces possibilités de dérogation soient en fait les professeurs eux-mêmes, pour placer leurs propres enfants dans les meilleures écoles publiques, quand ils ne les ont pas déjà inscrits dans le privé.
Bref, le seul moyen de savoir ce qu’apporterait l’instauration du libre choix de l’école publique par les parents en termes d’équité sociale et de performance académique, c’est de mettre fin purement et simplement àla sectorisation. Commela proximité géographique est le premier critère retenu par les familles, les bouleversements seraient raisonnables. Tous les parents seraient « contraints » de se renseigner sur les écoles accessibles géographiquement afin de candidater pour leurs enfants. Cela n’aurait rien de nouveau pour les privilégiés mais cela créerait une incitation salutaire pour les familles les moins favorisées ou qui ont le moins l’habitude de s’impliquer dans la scolarité de leurs enfants. Il reviendrait à l’Etat de garantir que les informations nécessaires pour faire un choix éclairé soient facilement disponibles pour chaque établissement. Les spécificités des établissements (projet d’établissement, options…) et leurs résultats académiques devraient être communiqués en toute transparence, ce qui représenterait un progrès évident de la démocratie.