L’école franco-américaine à charte de New York (NYFACS)

S’il est relativement difficile de faire admettre en France le statut d’école indépendante, les autorités françaises n’hésitent pas à promouvoir très officiellement ce type d’établissement à l’étranger. L’ouverture en 2010 de l’école franco-américaine à charte de New York (établissement public conventionné ou charter school) en fournit la preuve.

Cet établissement, situé dans la 120e rue du quartier de Harlem, en est à sa deuxième année de fonctionnement. Les classes ne concernent encore que deux premiers niveaux de scolarité (grande section de maternelle et CP). S’y ajoutera chaque année un niveau supplémentaire, jusqu’à la terminale (12e classe) qui préparera au baccalauréat international (IB) ainsi qu’au diplôme renforcé de fin d’études secondaires de l’État de New York (New York State Regents High School Diploma), deux qualifications très appréciées pour les demandes d’inscription universitaire.

La rigueur française, la souplesse américaine, les bienfaits de l’autonomie

Le projet de l’école a été conçu par Corinne Bal, avocate française, et sept autres personnes, dont Katrine Watkins, fondatrice de l’école franco-américaine de Larchmont dans l’État de New York. Travaillant d’arrache-pied pendant deux ans, cette équipe d’éducateurs convaincus a réussi à associer au projet le Département d’Éducation de l’État de New York, les services culturels de l’Ambassade de France et l’EFNY (Association de l’Éducation Française à New York).

L’objectif principal est d’offrir au sein d’une école à gestion autonome un cursus d’enseignement scolaire bilingue et biculturel combinant la rigueur de l’approche éducative française avec la souplesse administrative et la mise en valeur de la personnalité individuelle des élèves de l’approche américaine. L’enseignement et les programmes visent essentiellement à développer chez les élèves une formation et une mentalité de citoyens responsables et informés du monde, appelés à vivre et à intervenir professionnellement et humainement dans une société multiculturelle.

L’école est régie par un conseil d’administration qui se réunit une fois par mois et la gestion des différents domaines de l’activité scolaire est confiée à un directeur et à des comités qualifiés responsables devant le conseil (programmes, réglementation, vie scolaire, intendance, activités parascolaires etc..). L’année scolaire s’accompagne de projets d’établissement qui s’adressent à toute la communauté scolaire (un projet examinant les conditions d’un « espace scolaire exempt de brimades » est actuellement en cours).

L’objectif avoué de l’école est de tendre vers l’excellence à tous les niveaux de la vie et du fonctionnement de la population scolaire. En raison du très jeune âge des enfants accueillis actuellement, il n’est pas encore possible de procéder à des  évaluations de « niveau » scolaire. L’originalité de l’expérience est la première marque de qualité de l’établissement.

Ecole à charte, mode d’emploi

Le recrutement des élèves se fait une fois par an au mois d’avril par tirage au sort des familles ayant sollicité l’inscription de leur enfant dans la limite des places disponibles. Seuls les résidents de la ville de New York peuvent faire acte de candidature.

L’école est subventionnée par le Département d’éducation de l’État de New York, la ville de New York et l’État fédéral, selon la loi définissant le statut des écoles à charte. La scolarité est donc gratuite au même titre que dans une école publique normale. Les dons de particuliers ou d’entreprises donnent lieu à des déductions fiscales et un certain nombre de services ou de programmes complémentaires sont à la charge des familles (garde des enfants après l’école par exemple).

La semaine scolaire est de 5 jours et les classes sont de 50 minutes de 8h30 à 16h30 avec une récréation de 20 minutes et une pause déjeuner de 50 minutes également. L’année scolaire comporte 93 jours de congés (fêtes légales et vacances scolaires) qui s’ajoutent aux week-ends.

Le défi d’une école bilingue gratuite

La présence au sein même d’un quartier socialement défavorisé (cette réputation de Harlem a d’ailleurs considérablement évolué au cours des trente dernières années) d’un établissement d’excellence ne rencontre pas seulement l’assentiment des autorités éducatives américaines. Elle est également soutenue par l’administration française et les familles souhaitant scolariser leurs enfants dans un milieu bilingue et biculturel. Il va sans dire que l’école ne manque pas de candidatures, mais la limite des effectifs est imposée par les charges à prévoir de l’aménagement des bâtiments d’accueil, tout autant que par son label de qualité. Pour cette période de lancement, les effectifs ne dépassent pas une centaine d’élèves.

L’ouverture de cette école est un défi aux autres établissements bilingues franco-américains de la ville de New York, qui fonctionnent tous sur la base d’une scolarité payée par les familles, lorsqu’elle n’est pas prise en charge par les organismes privés ou les agences internationales, comme cela est très souvent le cas. La NYFACS est cependant soumise à une obligation de résultats, dont dépend la reconduction de son statut.

Comme le souligne Fabrice Jaumont, attaché éducatif auprès de l’Ambassade de France, « il faudra être plus fort dès le départ. Beaucoup de parents, qui n’auront pas envie de déménager, voudront avoir des classes bilingues dans leur quartier. L’arrivée de NYFACS va générer davantage d’engouement chez les familles qui ne connaissaient pas le réseau d’éducation bilingue. La famille francophone continuera de s’élargir. » D’ores et déjà, les candidatures proviennent de nombreux ressortissants francophones des communautés africaines et antillaises de New York.

Enfin, ce projet existe déjà, et a de grandes chances d’essaimer dans d’autres villes et régions des États-Unis : un autre lycée français à charte vient d’initier un nouveau cursus scolaire à La Nouvelle-Orléans. Combien de temps faudra-t-il pour que ces expériences soient enfin développées dans l’hexagone ?

Pierre Barthe, Professeur agrégé, ancien attaché de coopération