Le blog de la liberté scolaire : Vous venez de co-fonder le collège La Chrysalide, à quels publics s’adresse cet établissement indépendant et à quels besoins répond-il ?
Angelina Haguenauer : Notre établissement est ouvert aux adolescents de 12 à 18 ans présentant des diagnostics reconnus par la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées). Cela peut-être un autisme, une déficience intellectuelle, un trouble neurologique, un retard global, une trisomie…
Aujourd’hui, un enfant en situation de handicap âgé de 11 ans est scolarisé en CLIS (classe d’inclusion scolaire). A 12 ans, certains se retrouvent sans solution scolaire, n’étant pas assez autonomes pour aller au collège. Ils sont redirigés systématiquement dans un institut médico-éducatif (IME), une solution peu satisfaisante avec un nombre d’heures d’enseignement réduit. Avec cette prise de conscience, si nous souhaitions, en tant que parents concernés par le handicap, voir nos enfants singuliers poursuivre leurs apprentissages, il nous fallait créer une école adaptée. C’est ainsi qu’est née la « Chrysalide ». Nous répondons à un réel besoin en proposant une alternative indispensable dans le système éducatif entre le collège ordinaire inaccessible et la structure médicalisée que représente l’IME, celle de l’établissement hors contrat.
Quel est le projet pédagogique de votre établissement ?
Notre collège Montessori accueille 12 adolescents, en situation de handicap, de 8h45 à 16h45, sur 4 jours en suivant le calendrier scolaire de la zone A. Chaque matinée, un groupe de 6 adolescents est en classe pendant qu’un autre groupe de 6 adolescents est en ateliers préprofessionnels. Des ateliers de développement personnel (danse, théâtre, peinture…) sont également proposés. Les après-midis, le groupe qui était en classe sera en atelier. Le programme scolaire suit le socle commun des connaissances et des compétences établi par l’éducation Nationale, adapté dans le cadre d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS). Une attention particulière est portée sur l’articulation entre le vécu scolaire et pré-professionnel pour chaque adolescent. Des liens, des applications et des recherches doivent se faire entre la classe et les ateliers.
A travers la pédagogie Montessori, les compétences cognitives sont développées en lien avec l’éducation de l’enfant, au sens global du terme. L’enfant apprend par lui-même à son rythme. Il va découvrir un matériel et progressivement assimiler la démonstration qui lui est présentée. Ensuite, il va la reproduire et la refaire jusqu’à intégration et symbolisation.
Il effectue son activité pour lui-même, sans jugement et dans une ambiance calme et sereine. Le premier chemin que l’enfant doit trouver est celui de la concentration. Le matériel utilisé est très concret et fait appel à tous les sens, ce qui permet à l’enfant d’aller vers l’abstraction en douceur. La main est au centre du développement, c’est « l’outil de l’esprit », selon Maria Montessori. Il se construit à travers la répétition, l’expérimentation. Pour nous, la pédagogie Montessori répond à la problématique des adolescents accueillis. Elle permet de développer la confiance en soi et la responsabilité de soi-même, souvent fragilisées.
Les ateliers préprofessionnels sont dispensés par des artisans retraités. Un coordinateur des projets préprofessionnels permet une médiation entre l’adolescent et l’artisan. Ils se déroulent dans les locaux du collège. Pour cette année scolaire, nous démarrons avec un atelier « cuisine-pâtisserie », « horticulture-paysagiste », et « menuiserie-rénovation » de meubles. Il est prévu d’enrichir les ateliers proposés en fonction avec les centres d’intérêt des adolescents et des rencontres avec les artisans. Des stages en entreprise sont possibles lorsque la maturité de l’adolescent le permet. Il est alors parrainé par l’artisan retraité qui l’aura accompagné vers ce métier. L’intégration d’un dispositif d’apprentissage adapté peut être ensuite envisagée. Chaque enfant a son programme éducatif et scolaire individualisé et réactualisé chaque semaine.
Quel accueil font les organismes publics s’occupant du handicap de votre projet ? Et les élus locaux ?
Les organismes publics sont dans l’observation, au mieux ils portent un intérêt à notre projet. Il nous faut en premier lieu faire nos preuves, avant d’être reconnus… Depuis l’ouverture de l’école, le Conseil général nous a octroyé une subvention pour la recherche et l’innovation en faveur des personnes en situation de handicap. Quant aux élus locaux, ils nous ont fait un accueil bienveillant, mais sans plus. Mais notre image se modifie peu à peu depuis notre ouverture…
En quoi le statut d’établissement scolaire hors contrat se prête-t-il à votre projet ?
Nous avons en effet obtenu l’agrément auprès du rectorat pour ouvrir notre collège hors contrat. Ce statut nous donne une plus grande liberté concernant le choix de la pédagogie et dans le recrutement du personnel pour la mise en place de notre projet et la vie de l’école.
Quelle est votre capacité maximale d’accueil ? En quoi l’accueil de ces adolescents en petits effectifs est-il nécessaire ?
La capacité maximale est de 12 adolescents, avec un accueil sur le temps de classe en demi-groupe, ainsi qu’en ateliers pré-professionnels. Le petit groupe permet de développer la concentration, de travailler les habilités sociales et de rendre possible la gestion de la vie de l’école par les adolescents (gestion des repas, des animaux, du potager, etc.)
Aujourd’hui, l’Etat ne prend pas en compte financièrement les AVS (assistantes de vie scolaires) des enfants scolarisés dans les écoles indépendantes. Qu’en pensez-vous ?
Ce n’est pas normal ! Les enfants en situation de handicap scolarisés dans des écoles indépendantes devraient avoir accès au même droit que les autres : recours aux AVS, équipement informatique adapté, transport par le conseil général… C’est une discrimination. Chaque enfant a le droit à une compensation de son handicap dans le cadre de la loi de 2005, sur l’égalité des droits et des chances pour tous. L’enfant-élève n’est pas moins en situation de handicap, qu’il soit dans une école sous contrat ou hors contrat.
Quels conseils donneriez-vous à des personnes qui souhaitent créer une école pour des enfants en situation de handicap ?
Le conseil qui me paraît important est de ne pas partir seul dans cette aventure. Constituer une équipe avec divers champs de compétences, penser le projet et permettre sa faisabilité avec des compétences d’organisation, financières, juridiques, relationnelles, en communication, bricolage ou encore en architecture… sont essentiels à sa réussite.
Seriez-vous favorable à une aide de l’Etat pour encourager l’ouverture d’établissements de ce type par la société civile ?
Bien sûr ! Une aide à l’élaboration du projet d’école par l’Éducation nationale serait appréciable. De plus, chaque enfant scolarisé à un coût pour la collectivité et pour l’État. Ne serait-il pas possible que l’aide soit attribuée individuellement à chaque enfant et que l’établissement l’accueillant la perçoive ? Choisir l’alternative de ces écoles indépendantes n’est pas un choix pour les familles, mais une nécessité pour l’épanouissement et le devenir de leur enfant en situation de handicap.
Plus d’informations sur www.lachrysalidedeletre.fr