La stratégie de l’Union européenne pour “penser l’éducation”

Le constat de l’Union européenne est sans appel : les systèmes éducatifs des pays membres de l’UE ne sont plus à même de doter les jeunes des compétences souhaitées par le marché de l’emploi. Aujourd’hui, le chômage des jeunes atteint presque 23% dans l’Union, alors que plus de deux millions d’emplois restent vacants. La commissaire européenne chargée de l’éducation, Androulla Vassiliou, appelle à une réforme des systèmes éducatifs dont le résumé et la critique sont présentées ci-dessous.

L’essentiel de la nouvelle stratégie de la Commission européenne

La Commission européenne a présenté, jeudi 20 novembre 2012, une nouvelle stratégie baptisée « Repenser l’éducation », afin d’encourager les États membres à repenser et à réformer leurs systèmes d’éducation et de formation dans une perspective d’adéquation avec le marché du travail. Le constat est simple : les systèmes actuels ne sont plus à même de doter les jeunes des compétences voulues par le marché de l’emploi et le chômage des jeunes croît dangereusement. Or, si l’Europe veut retrouver durablement le chemin de la croissance, elle doit transformer ses systèmes éducatifs pour répondre aux besoins de la société d’aujourd’hui.

L’Europe ne retrouvera la voie d’une croissance durable qu’en s’appuyant sur des individus hautement qualifiés et polyvalents capables de contribuer à l’innovation et à l’entrepreneuriat.

La stratégie de la commission proposée appelle à une transition fondamentale dans l’éducation, qui doit se concentrer davantage sur les « acquis de l’apprentissage », c’est-à-dire les connaissances, les aptitudes et les compétences acquises par l’apprenant car, à elle seule, la durée de scolarisation n’est plus pertinente.

En outre, les compétences de base en lecture, en écriture et en calcul doivent encore être sensiblement améliorées, de même qu’il convient de développer les compétences entrepreneuriales et l’esprit d’initiative encore trop souvent négligés dans les cursus, selon une étude du réseau Eurydice.

Pour garantir une meilleure concordance entre l’éducation et les besoins des apprenants et du marché du travail, les méthodes d’évaluation doivent être adaptées et modernisées. L’utilisation des TIC et de ressources éducatives libres (RÉL) devrait en outre être développée dans tous les contextes d’apprentissage. Les enseignants pour leur part doivent actualiser leurs compétences en se formant régulièrement.

La stratégie appelle également les États membres à renforcer les liens entre les systèmes éducatifs et les employeurs, à introduire l’entreprise dans la salle de classe, et à permettre aux jeunes de découvrir le monde du travail par un recours accru à l’apprentissage en milieu professionnel.

Quelques éléments critiques

L’approche de la Commission européenne est, selon nous, intéressante en ce qu’elle prend en considération la connexion entre le chômage et la formation des jeunes, au lieu de s’en tenir, comme c’est le cas dans les objectifs quantitatifs du projet de loi de programmation de Vincent Peillon, aux objectifs de diplôme et de niveaux d’études. L’UE s’intéresse bien à l’interaction entre la formation dispensée et la vie économique réelle. En revanche, elle semble n’avoir que ce prisme là en tête, conformément à une vision utilitariste et économiciste de l’éducation. C’est regrettable car l’école doit former des hommes libres, capables de discernement, créatifs, et pas uniquement se préoccuper de produire des agents économiques en phase avec les attentes d’un marché  souverain.  Le marché et l’économie doivent être au service de l’homme et non pas l’homme au service du marché, selon nous.

La Commission perçoit à juste titre que nos sociétés et nos économies européennes n’ont d’avenir que dans la mesure où elles réussissent à produire un grand nombre de personnes hautement qualifiées et innovantes. L’Europe peut avoir encore des avantages comparatifs en ce domaine alors qu’elle part perdue d’avance, dans la concurrence internationale, pour le travail faiblement ou moyennement qualifié au regard de son modèle social et de ses habitudes.

La Commission, en se défiant d’une approche nominale ou formelle (les taux de diplômes), rend service à des pays comme la France. Ce qui compte ce sont les acquis réels des élèves, les apprentissages effectifs – mesurés par les tests internationaux et sur le marché du travail. Ce ne sont pas les taux de diplômes qu’un pays met en avant, quitte à brader les niveaux desdits titres comme c’est trop souvent le cas en France.

Autre point positif de l’approche de la Commission : l’accent qu’elle met sur l’esprit d’entreprise. Parce que les professeurs en France sont largement des fonctionnaires ou des agents publics, et qu’ils sont culturellement de gauche, ils ne parlent de l’entreprise qu’avec méfiance ; ils manquent cruellement de connaissances de la réalité de l’entreprise. En outre, leur statut (emploi à vie, gestion mécanisée des carrières largement déconnectée du mérite, faible part d’initiatives) les prépare objectivement mal à donner à leurs élèves le goût du risque et des responsabilités.

Intéressante est aussi l’invitation de la Commission à la formation continue des enseignants, laquelle est au cœur du succès des modèles nordiques, surtout quand elle se fait par échanges de bonnes pratiques entre professeurs en activité et non par des sessions de formation auprès de pédagogues loin du terrain.

En revanche, l’insistance de la Commission à diffuser les TIC est plus inquiétante. Comment ne pas y voir surtout l’influence des fournisseurs de matériels, prestations ou formations informatiques fortement représentés à Bruxelles ? Le recours aux TIC, pour être convaincant, doit s’accompagner de préconisations précises sur les pédagogies à mettre en œuvre. Sinon, on voit mal en quoi les TIC généreraient des gains de productivité éducative en soi. Et en ces heures de disette budgétaire, il n’est pas du tout sûr que les Etats soient capables de former les professeurs à leur utilisation et d’investir suffisamment dans la maintenance du parc informatique.

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