Au collège, le chapitre sur « la transmission de la vie chez l’Homme » de la classe de 4e exige que l’élève acquière des connaissances précises sur le développement embryonnaire : « L’embryon humain résulte de la fécondation, puis des divisions de la cellule œuf (…). La fécondation a lieu dans l’une des trompes. L’embryon s’implante puis se développe dans l’utérus » (BO n. 6 du 28 août 2008, p. 27).
A partir de cet énoncé, certains manuels largement employés dans les établissements opèrent des glissements ambigus qui peuvent se révéler manipulateurs des intelligences lorsque le professeur n’y prend garde.
Ainsi, l’un d’entre eux affirme dans le bilan du cours que « dans les heures qui suivent un rapport sexuel, la cellule œuf se forme lors de la fécondation et se multiplie pour donner un embryon » (Belin, p. 71). Dans le livre du professeur fourni par la même maison d’édition, on lit encore que « la cellule-œuf devient un embryon qui se développe » (p. 18). Le propos scientifique prête à confusion car il laisse penser que le terme embryon correspond à un stade qui viendrait après l’étape de la formation de la cellule œuf, ce qui est scientifiquement erroné. L’embryon est le résultat immédiat de la fécondation et celui-ci est appelé zygote ou embryon unicellulaire lorsqu’il est formé de la première cellule issue de la fusion du spermatozoïde et de l’ovocyte. L’expression de « cellule œuf » est elle-même peu précise car elle désigne dans la littérature anglo-saxonne l’ovocyte ou cellule reproductrice femelle émise par l’ovaire alors que dans le programme ministériel elle définit justement l’embryon au stade d’une cellule ou zygote.
Aussi préconisons-nous de rédiger le cours de SVT sur cet aspect de manière plus précise : La fécondation aboutit à la formation du zygote ou embryon unicellulaire, premier stade de vie d’un nouvel être humain.
Le zygote ou one-cell embryo selon la terminologie anglo-saxonne est en effet stricto sensu l’étape initiale du développement d’un nouvel organisme de l’espèce humaine. La fécondation est ainsi l’événement fondamental qui marque le début d’un nouvel être humain ; le professeur devra être vigilant vis-à-vis de certaines formulations qui définissent la fécondation comme l’union du noyau du spermatozoïde et celui de l’ovule, une étape qui ne survient que 15 heures après la rencontre des deux gamètes. Or, le moment où un nouvel individu débute son cycle vital correspond à la fusion entre le spermatozoïde et la membrane plasmique de l’ovule. A cet instant, le processus est irréversible et déclenche une onde calcique ou calcium wave qui signale l’activation du zygote et empêche la pénétration d’un autre spermatozoïde.
Avant même la réunion des deux génomes, ADN paternel et maternel, certaines séquences génétiques du père et de la mère s’activent et coordonnent le développement du nouvel organisme. Le travail d’auto-organisation du nouveau système est donc concomitant de la fusion des cellules reproductrices et non de la réunion des chromosomes paternels et maternels qui a lieu plusieurs heures après. Bien sûr, le professeur ne donnera pas les mêmes informations selon qu’il s’adresse à des collégiens ou des lycéens, mais même avec des classes de 4e il lui faudra être très précis en disant que la fécondation débute par la pénétration du spermatozoïde dans l’ovule et que ce processus de la fécondation démarre dès que le noyau du spermatozoïde est englobé dans l’ovule. C’est d’ailleurs en ces termes que le livre du professeur d’un autre éditeur présente les faits (Hatier, p. 109), montrant par là qu’une réelle marge de manœuvre est envisageable pour l’enseignant qui souhaite être rigoureux.
Enfin, le professeur ne manquera pas de signaler que le début de la fécondation signe le début de la grossesse, celle-ci étant parfois présentée comme démarrant « vraiment » lors de l’implantation ou nidation de l’embryon dans la muqueuse utérine 5 jours après avoir migré dans la trompe. Sans entrer dans les détails, on sait aujourd’hui que l’embryon avant sa nidation établit avec la mère un intense dialogue moléculaire nécessaire à son bon développement pendant cette première semaine.
L’identité spécifique de l’embryon humain pourra enfin être consolidée en classe de 3e où le programme de SVT demande de traiter la question de l’organisation de l’information génétique dans les chromosomes et de la conservation de cette information dès la conception d’un nouvel individu (l’information génétique est conservée du zygote unicellulaire issu de la fécondation aux milliards de milliards de cellules qui en proviennent par divisions successives).
Dernier point parfois évoqué par les élèves, le cas des vrais jumeaux qui sont des personnes dont le patrimoine génétique est identique (mais qui comme chacun le sait n’auront pas la même personnalité car l’homme n’est pas déterminé par ses seuls gènes, il a une nature à la fois corporelle et spirituelle), et où on a donc l’impression que les deux individus résultent d’une scission du même embryon.
Il s’agit justement d’une impression erronée. Après la fécondation, lors d’un stade assez précoce du développement embryonnaire, un groupe de cellules qui composent l’embryon originel peut se détacher pour constituer un second embryon qui va alors évoluer indépendamment du premier. Ce n’est donc pas l’embryon initial appelé Pierre qui se divise en deux nouveaux êtres humains Paul et Jean comme si Pierre disparaissait, mais au contraire la première vie conçue, celle de Pierre, continue son parcours existentiel tandis qu’entre temps est apparu un nouvel être humain, par exemple Thomas. Le second jumeau est donc plus jeune que le premier de quelques heures à quelques jours selon le moment où le second groupe de cellules s’est séparé du premier embryon !
Contrairement au Comité consultatif national d’éthique qui s’est toujours refusé à réfléchir sur le statut de l’embryon en en faisant un « entre-deux » ou une « énigme » selon les expressions floues de l’un de ses derniers avis (Avis n. 112, octobre 2010), le professeur de SVT, fort de ses connaissances, aura soin de montrer à ses élèves qu’au moment de la fécondation de l’ovule par le spermatozoïde apparaît un nouvel organisme biologique d’une complexité prodigieuse que les scientifiques appellent embryon. Une nouvelle vie humaine absolument unique débute au moment de cette rencontre des gamètes et dès cet instant, le patrimoine génétique d’une nouvelle personne s’est constitué. L’ADN de cet organisme vivant qu’est l’embryon est celui de l’espèce humaine, il s’agit donc bien d’un être humain. Totalement autonome dans son développement, cet embryon se développe sans aucune discontinuité, à partir d’une activité biologique qui jaillit d’un plan programmé dans son propre génome. On peut ainsi dire que l’embryon est très précisément et sans aucun doute possible le point de l’espace et du temps où une personne commence son propre cycle vital.
C’est donc bien sur la base de solides connaissances scientifiques que le professeur de SVT pourra éclairer les consciences de ses élèves. Il n’a pas besoin en la matière de convoquer des éléments liés à la foi pour expliquer à ses élèves que, dès sa phase initiale, la vie humaine est humaine et donc infiniment précieuse et sacrée. C’est d’ailleurs ce qu’a exprimé le Pape François en recevant des médecins catholiques le 20 septembre dernier : « vous qui êtes appelés à vous occuper de la vie humaine dans sa phase initiale, rappelez à tous, par vos actes et par vos paroles, que celle-ci est toujours sacrée, dans toutes ses phases et à tout âge, et qu’elle est toujours de qualité. Et pas par un discours de foi, non, non, mais de raison, avec un discours de science ! »
Pierre-Olivier Arduin, professeur de Sciences de la Vie et de la Terre.