On croyait l’affaire entendue, le débat clos, la hache de guerre enterrée. Les plus optimistes avaient cru en la validité de l’interdiction décrétée par le ministre Robien, en 2006.
Les plus lucides n’avaient pas oublié le revirement immédiat, les nuances, les atermoiements, les compromis et le verdict : la méthode globale – et toutes ses petites-soeurs et cousines – restait autorisée, mais seulement si elle était accompagnée de l’apprentissage systématique du code alphabétique. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Ma fille est en CP dans une petite école publique rurale. 18 élèves en double niveau CP-CE1. Elle n’a vu en classe que les 4 premières voyelles, et a juste appris l’alphabet par une comptine dans laquelle D rime avec “alphabet” et et L avec “Voyelles”. Mais on lui demande ce soir de “lire” puis de recomposer, à partir des étiquettes qu’elle aura dû au préalable découper (béni soit l’inventeur de la photocopieuse !) : “J’ai rêvé que j’étais le chef du monde. J’ai rêvé que mon nounours était vivant. J’ai rêvé que je n’avais plus peur dans le noir”. Pour être bien sûr que les enfants auxquels des parents prudents auraient pu commencer à apprendre à lire au cours de l’été ne puissent pas déchiffrer réellement ces phrases, on y a tout mis : voyelles nasalisées (“an”, “en”, “on”), diphtongues (“ai”, “ou”, “oi”, “eu”), lettres finales muettes (“vivant”, “étais”, “enfants”), et le “qu”, si simple à décomposer…
Comme je suis une mère indigne, je vais subrepticement reprendre un manuel de lecture analytique et organiser quelques séances intensives, quoique clandestines, d’apprentissage des codes syllabiques.
Mais combien d’enfants sacrifiés continueront à subir des méthodes dont on connaît l’inefficacité profonde, quand elles n’ont pas sur les enfants des effets délétères, qui se feront longtemps, voire irrémédiablement, sentir ? A quand une véritable enquête, fiable et objective, sur les méthodes qui sont réellement utilisées dans les classes ? A quand la salutaire et tant attendue campagne de re-formation des enseignants, qui ne font qu’utiliser les seules méthodes qu’ils connaissent ?
Une mère