Importée de Suède, largement expérimentée en Grande-Bretagne, la pratique des « free schools » donne des résultats étonnants. Financées par le gouvernement, ces écoles « privées pour tous » révolutionnent l’éducation.
de Gaspard Koenig
La réforme des rythmes scolaires, puis celle du collège, illustrent un paralogisme bien connu des ministres de l’Education nationale, et qui n’aurait pas déplu à Aristote :
Une réforme s’applique à toutes les écoles.
Or, une école n’est pas la même qu’une autre école.
Donc, une réforme ne s’applique pas à toutes les écoles. (Donc grèves.)
N’est-il pas absurde de décider, dans un bureau de la rue de Grenelle, comment seront organisés les cours d’allemand, ou à quelle heure les enfants devront se lever le mercredi matin, qu’ils habitent le 7e arrondissement parisien, les quartiers nord de Marseille ou le paisible Morvan ?
D’autant qu’une solution alternative, d’abord expérimentée en Suède, est aujourd’hui en passe de bouleverser le système scolaire britannique. Les « free schools », lancées au début de son mandat par David Cameron, connaissent un essor rapide : 250 se sont ouvertes depuis 2010 et 500 de plus sont attendues d’ici à 2020. Elles viennent compléter les « academies » créées par le gouvernement précédent (New Labour) pour introduire dans la gestion des écoles publiques un élément fondamental : l’autonomie. Deux tiers de l’enseignement secondaire serait désormais concerné.
Les fondateurs de ces écoles, souvent de simples parents désireux d’innover, décident eux-mêmes de leurs principes de gestion et de pédagogie, en respectant les grandes lignes définies par l’Etat sur le contenu de l’enseignement et les critères d’admission. Libres à eux d’établir le nombre d’heures de cours, de choisir les matières enseignées (la lutte gréco-romaine, le mandarin, le jardinage ou la robotique ont ainsi fait leur apparition), de recruter les enseignants qui leur semblent les mieux adaptés, indépendamment de leurs diplômes (qui peut se plaindre qu’un compositeur reconnu devienne prof de musique ?), d’introduire les MOOC et les iPad ou au contraire de revenir à la plume et à l’encrier. On peut ainsi espérer que, par expérimentation et émulation, les principes les plus efficaces soient progressivement plébiscités, tout en préservant la diversité de l’offre éducative.
Décentralisation ne signifie pas privatisation, et encore moins ghettoïsation. Les « free schools » sont « free » dans les deux sens du terme, car intégralement financées par le gouvernement, sur la même base budgétaire que les écoles d’Etat. Comme l’ont montré plusieurs études, publiées par l’Institute of Education ou Public Exchange, elles se sont développées avant tout dans les quartiers les plus populaires et produisent des effets positifs sur l’ensemble des écoles adjacentes.