Les élèves utilisant très fréquemment les ordinateurs à l’école obtiennent de bien moins bons résultats

Capture d’écran 2015-09-18 à 10.29.54“Dans les pays où il est plus courant pour les élèves d’utiliser internet à l’école dans le cadre du travail scolaire, leur performance en compréhension de l’écrit a reculé entre 2000 et 2012, en moyenne”, constate l’OCDE dans un rapport publié le 15 septembre 2015 analysant le rapport des élèves au numérique à partir des données 2012 de Pisa. L’organisation souligne que depuis 10 ans “les pays qui ont consenti d’importants investissements dans les Tice n’ont enregistré aucune amélioration notable des résultats de leurs élèves en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences”. Cependant, l’OCDE estime que des résultats positifs sont possibles, mais que cela demande du temps pour que les enseignants s’approprient les outils. Selon l’auteur du rapport, Francesco Avvisati, “ce n’est pas la quantité d’utilisation qui compte mais la qualité” éducative des usages.

“Les meilleures performances sont atteintes par les élèves qui utilisent peu les technologies à l’école”, constate Francesco Avvisati, analyste de la direction de l’éducation de l’OCDE, à l’occasion de la sortie le 15 septembre du rapport “connectés pour apprendre ? Les élèves et les nouvelles technologies”. Réalisé à partir des dernières données Pisa, datant de 2012, ce document a été conçu selon “deux angles” de réflexion, souligne son auteur : les élèves savent-ils se repérer dans un environnement numérique ? Quelles sont les conséquences des politiques d’équipement en matériel numérique ?

Sur ce deuxième aspect, l’étude de l’OCDE fait apparaître qu'”en moyenne, au cours des dix dernières années, les pays qui ont consenti d’importants investissements dans les technologies de l’information et de la communication dans le domaine de l’éducation n’ont enregistré aucune amélioration notable des résultats de leurs élèves en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences”. Lorsque les ordinateurs sont utilisés très fréquemment dans les classes, les élèves “obtiennent de bien moins bons résultats en compréhension de l’écrit, même après contrôle de leur milieu d’origine” que des élèves qui ont une utilisation “modérée”.

Les compétences de bases plus déterminantes que l’accès aux outils

Un facteur de motivation des élèves ?

L’utilisation d’outils numériques permet-elle vraiment de susciter l’intérêt des élèves et d’améliorer l’ambiance qui règne dans les classes ? Pour Éric Charbonnier, aucun effet significatif n’apparaît de manière évidente à travers les résultats de l’étude Pisa pris dans leur ensemble. Mais dans le détail, “les résultats sont très différents” note l’analyste de l’OCDE.

Il remarque ainsi de “vrais avantages” pour les pays du Nord et pour l’Australie, alors que pour les pays d’Europe de l’Est l’introduction du numérique se traduit surtout par une “dégradation du climat” scolaire.

Alors que le numérique est devenu de plus en plus omniprésents dans la vie quotidienne, son introduction dans les établissements scolaires n’est pas remise en cause par l’OCDE. Le rapport montre surtout qu'”il reste encore à réaliser et exploiter pleinement les réelles contributions que les TIC sont susceptibles d’apporter à l’enseignement et l’apprentissage”. Avec 96 % des élèves de 15 ans de l’OCDE qui déclarait disposer d’un ordinateur à la maison, “les compétences fondamentales requises dans les environnements numériques peuvent et doivent être enseignées”.

Les inégalités d’accès au numérique selon le milieu social des élèves “se sont atténuées entre 2009 et 2012” et celles sur la “capacité à utiliser les outils TIC à des fins d’apprentissage s’expliquent largement, si ce n’est totalement, par les différences observées dans les compétences académiques plus traditionnelles”. Selon l’OCDE, “garantir l’acquisition par chaque enfant d’un niveau de compétences de base en compréhension de l’écrit et en mathématiques est ainsi bien plus susceptible d’améliorer l’égalité des chances dans notre monde numérique que l’élargissement ou la subvention de l’accès aux appareils et services de haute technologie”.

Prendre en compte les “avantages perdus” liés aux choix budgétaires

L’intérêt des outils numériques se révèle en fonction des objectifs éducatifs fixés. Selon Francesco Avvisati, “il faut partir des usages avant d’avoir une réflexion sur les équipements”, qui de toute façon “changent très vite”. Pour lui, “l’introduction des technologies doit être maîtrisée” et se faire “en cohérence avec les autres pratiques” éducatives déjà en place. “Ce n’est pas la quantité d’utilisation qui compte mais la qualité”. En définitive ce sont d’ailleurs les pays qui ont une longue expérience du numérique à l’école et qui ont mis l’accent sur la formation des enseignants qui en tirent le mieux parti. Ainsi, les pays du Nord de l’Europe ou encore l’Australie ont largement diffusé les Tice mais affichent également de bons résultats.

Pour Éric Charbonnier, analyse à l’OCDE, “l’effet positif se voit quand les outils ont été introduits depuis plusieurs années et qu’ils sont maîtrisés par les enseignants”. En France, “les enseignants ne sont pas prêts, il va falloir vraiment investir dans leur formation” qui apparaît comme “la véritable difficulté du système français”. Pour Éric Charbonnier, avec le plan numérique annoncé par François Hollande, “il n’est pas très clair la façon dont le numérique va être inscrit dans les apprentissages et c’est la clé”. Il ajoute que le plan numérique est “une occasion unique de reformer les enseignants au numérique mais aussi à des pratiques pédagogiques différenciées”.

Si le numérique n’entraîne pas de manière évidente une amélioration des résultats scolaires des élèves, sa diffusion dans les établissements a un coût. Les investissements consacrés sur le matériel, les infrastructures, les logiciels et ressources augmentent et demandent à faire des choix au détriment d’autres politiques. Ainsi, note l’OCDE, l’argent dépensé à l’équipement des écoles “aurait pu être utilisé pour embaucher des enseignants, augmenter leurs salaires ou investir dans leur développement professionnel, ou à l’acquisition de ressources éducatives comme les livres manuscrits”. Il convient donc également de tenir compte des “avantages perdus” d’une utilisation alternative des budgets.

Cyril Duchamp