Mais la polémique actuelle relative à la prime aux décrocheurs nous ramène en réalité à la question du collège unique et de la mauvaise qualité de notre enseignement professionnel et technique (en particulier celui qui se déploie dans le cadre d’établissements publics, qui ont le plus grand mal à garantir l’employabilité de ses diplômés). S’il y a tant de décrocheurs, c’est que l’école ne les intéresse pas, soit parce que les cours sont trop faciles ou trop difficiles, soit parce qu’ils sont faits pour un autre type d’apprentissage que le collège-lycée généraliste mais que notre société ne veut pas répondre à leurs besoins. Notre système est tout entier construit sur l’idée de maintenir un maximum d’élèves dans la filière générale, même au prix de la suppression du redoublement, de l’existence de classes de collèges voire de lycées terriblement hétérogènes avec des élèves qui ne sont manifestement pas à leur place et qui empêchent les autres d’étudier correctement. C’est une véritable torture à laquelle sont soumis ces jeunes qui aspirent à entrer dans la vie réelle, apprendre un métier, gagner de l’argent, commencer à avoir des responsabilités, et que les gouvernements successifs ont préféré sacrifier sur l’autel de l’égalitarisme républicain. L’Etat condamne à la désespérance une majorité de jeunes de tous milieux (et pas seulement des milieux défavorisés, comme nos habitudes d’analyse bourdieusiennes voudraient nous le faire croire). Ce choix idéologique se traduit par des conséquences bien tragiques sur le terrain, avec ces jeunes cassés, souffrant d’une mauvaise estime d’eux-mêmes, qui deviennent inaptes tant aux études supérieures qu’à l’apprentissage d’une profession manuelle. Il est temps de regarder nos voisins allemands ou suisses et d’oser en finir de cette idéologie qui nie la diversité des dons et des aspirations des jeunes.
Anne Coffinier