[Revue de Presse] Enfants surdoués : l’école française veut éviter le bonnet d’âne

Triste constat du côté de l’école publique, qui échoue à intégrer ces enfants “surdoués”…et qui se tournent vers les écoles privées avec ou sans contrat, qui développent avec succès des pédagogies dédies à ces enfants “à haut potentiel”.

Dans une classe d’un établissement pour élèves précoces, à Nice, le 30 mai 2017 AFP/ARCHIVES – YANN COATSALIOU

Enfants surdoués : l’école française veut éviter le bonnet d’âne

Qualifiés d’intellectuellement précoces, de surdoués ou encore de “zèbres”, ils ont un QI nettement supérieur à la moyenne mais leur parcours scolaire peut être chaotique. Malgré une récente prise de conscience, la France peine encore à accompagner ces élèves “hors norme”.

La France en est au stade de “la prise de conscience” et n’a pas mis en œuvre des programmes adaptés à ces enfants à haut potentiel intellectuel, déclare la pédopsychiatre Sylvie Tordjman, qui organisait la semaine dernière à Paris un colloque international sur le sujet, à la Sorbonne.

La réflexion sur un enseignement adapté à ces élèves ne date que du début des années 2000 dans l’Hexagone, selon cette spécialiste des enfants précoces, chef de service à l’hôpital Guillaume-Régnier à Rennes. D’autres pays sont bien plus en pointe, souligne-t-elle.

Par exemple, “les Pays-Bas ont généralisé le décloisonnement: quand un enfant est très bon en maths, il reste dans sa classe mais va suivre les cours de maths dans la classe supérieure”. Aux Etats-Unis, les enfants à haut potentiel bénéficient de plages horaires dédiées à des activités adaptées à leurs besoins, pendant leur journée de classe.

L’Organisation mondiale de la santé estime à 2,2% la part des élèves à haut potentiel au sein de la population scolarisée (entre 6 et 16 ans). Ces enfants possèdent un quotient intellectuel supérieur à 130 (pour une moyenne fixée à 100).

Au-delà des chiffres, ces jeunes se distinguent par “une façon d’être au monde, avec une intelligence bouillonnante, une émotion et une sensibilité très vives et une grande vitesse de traitement de l’information”, décrit Jeanne Siaud-Facchin, psychologue. “Mais cette hyperconnectivité amène parfois l’enfant à dire +ça va trop vite+”.

L’école est le “lieu de tous les possibles”, selon cette psychologue. “Certains enfants ont des parcours exemplaires, mais d’autres peuvent être en décrochage scolaire”.

Car ces enfants peuvent s’ennuyer en l’absence de stimulation intellectuelle suffisante. Ils peuvent aussi exaspérer les enseignants par un comportement perçu comme insolent (ils n’hésitent pas à argumenter avec les professeurs), voire se montrer agressifs quand ils ne comprennent pas tout tout de suite, contrairement à leur habitude.

“Comme tout est facile dans les premières années, les enfants à haut potentiel n’apprennent pas à apprendre”, explique Sylvie Tordjman.

Et le décalage avec les autres élèves de la classe conduit parfois à l’isolement. Sans compter que la maturité de ces enfants sur le plan affectif ne suit pas toujours la courbe de leur développement intellectuel.

“Ma fille ne réussissait pas à s’intégrer. On lui reprochait d’utiliser des mots compliqués, elle a passé une année à tenir le mur à la récré. L’année suivante, elle s’est fait harceler”, relate la mère de Suzanne, 11 ans et demi, passée par l’école publique puis privée. L’enfant a sauté le CM2 et ses parents l’ont inscrite à l’école (privée) Georges-Gusdorf à Paris, spécialisée dans l’accueil de ces enfants.

Pour Nelly Dussausse, directrice de cet établissement, “les ressources mises à disposition par l’Éducation nationale ne correspondent pas aux besoins de ces élèves”.

En 2002, une première étude (le rapport Delaubier) alertait les pouvoirs publics sur les besoins spécifiques de ces enfants à l’école. Des référents ont été nommés dans chaque académie à partir de 2009.

Jean-Marc Huart, directeur général de l’enseignement scolaire, assure que l’Éducation nationale “veut passer à la vitesse supérieure”. Il faut notamment repérer plus tôt ces enfants et mieux les accompagner, déclare le numéro deux officieux du ministère.

La réponse de l’école a longtemps été de faire sauter une classe à ces élèves. Mais cette solution est moins prisée des parents et des enseignants qu’il y a quelques années.

Des établissements tentent d’autres pistes, note Mme Tordjman. Elle cite les classes à plusieurs niveaux, le “compactage” (un parcours scolaire où trois années de programmes sont effectuées sur deux ans par exemple). Ou encore le recours à des pédagogies différenciées, qui réclament cependant une formation pointue des enseignants.