86,8 % de réussite au bac. Un succès ? Non, un beau cache-misère

PHOTO_CLASSE86,8 % de réussite au bac. Plus d’un bachelier sur deux a décroché une mention. Le ministre de l’Éducation nationale a «félicité les élèves et leurs enseignants pour ces très bons résultats». Mais est-ce vraiment un succès alors qu’un jeune sur trois a quitté l’école avant le baccalauréat en possession d’aucun diplôme ?

Ce taux élevé de réussite au bac cache de très grandes inégalités. Rien de commun entre le titulaire d’un bac S mention TB issu d’un bon lycée (car le lycée compte au moins autant que les résultats au bac) et celui d’un des 75  bac pro existants actuellement !. De plus, ce chiffre de 86,8% de réussite au bac est beaucoup moins impressionnant si l’on rappelle qu’un jeune sur trois sort du système scolaire sort sans aucun diplôme en poche : c’est un décrocheur dans le langage de l’Education nationale.  En fait, seuls 73 % d’une classe d’âge a son bac, ce qui ne fait pas le compte par rapport à l’objectif assigné par le Ministre JP Chevènement en 1985 :« amener 80% d’une classe d’âge au niveau du bac ». Pour certains types d’enfants, les statistiques sont encore pire comme pour les enfants précoces, qui ne manquent pourtant pas de talents mais qui n’entrent pas dans le moule unique de l’Education nationale, et qui sont un sur deux à n’avoir pas leur bac.

Alors que l’Education nationale parle sans cesse d’égalité des chances, force est de constater que les chances de réussir le bac ne sont pas les mêmes selon son origine ; Jean-Paul Delahaye, directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco), a récemment dénoncé les «écarts insupportables de réussite selon les origines sociales». En 2010, 71% des enfants d’enseignants ont eu leur bac ; ils n’étaient que 20 % parmi les enfants d’ouvriers qualifiés et 9 % parmi les enfants d’inactifs, selon les statistiques du ministère.

Sur les 73 % d’une génération ayant leur bac, ils ne sont qu’une minorité à obtenir le sacro-saint bac général : à peine 36 % d’une classe d’âge. Tous les autres ont un des multiples baccalauréats professionnels ou technologiques, inconnus du grand public et de la plupart des employeurs.

Et même, si l’on se concentre sur les 73% de bacheliers par classe d’âge, combien sont gravement fâchés avec l’orthographe ou ne savent pas faire une règle de trois ! A contrario combien ont acquis le sens de l’effort, du travail bien fait, de l’exigence envers soi dans leurs études ? Très peu à en croire les entreprises qui s’arrachent les cheveux pour recruter des jeunes fiables et bien structurés.

Nombre de ces bacheliers de complaisance commenceront des études supérieures  la fleur au fusil sans que personne ne les en dissuade.  Leurs professeurs voient souvent qu’ils n’ont aucune chance de réussir lesdites études, faute d’en avoir les aptitudes. Mais qui le leur dira ? N ombreux traîneront deux ou trois ans sur les bancs de la fac avant d’arrêter sans formation reconnue par le marché du travail. La démotivation du bac couplé à l’absence de sélection en entrée de faculté conduit donc à une fuite en avant dans les études et des exigences de niveau de recrutement toujours plus hautes. N’est-il pas délirant d’exiger un diplôme bac + 5 de la part des candidats au concours d’instituteur dans l’Education nationale ?

Anne Coffinier