Entretien avec Lionel Devic, Président de la Fondation pour l’école.
Pour les élèves de troisième et de terminale scolarisés dans des établissements indépendants, le confinement a été plus que mouvementé, n’est-ce pas ?
En effet, les premières frayeurs sont apparues le 3 avril lorsque Jean-Michel Blanquer a annoncé que les lycéens passeraient leur bac 2020 sur la base de leur notes de contrôle continu pour ensuite préciser que les lycéens scolarisés dans les établissements hors contrat devraient, eux, passer des vraies épreuves en septembre !
Au-delà du bac même, la Fondation avait de plus conscience que l’enjeu concernait également Parcoursup et la possibilité pour les élèves de terminale en hors-contrat de pouvoir faire leur rentrée de septembre dans leur établissement supérieur comme les autres et non de rater leurs premiers jours pour cause d’épreuves du bac à passer !
Dans un communiqué du jour même, la Fondation pour l’école a immédiatement réagi en faisant part publiquement de ses plus vives inquiétudes. En effet, une telle mesure sonnait le glas de l’égalité entre les élèves.
Qu’avez-vous fait d’autre concrètement ?
En plus de notre communiqué, nous avons mis en ligne une pétition pour permettre à tous de s’insurger contre cette rupture d’égalité. Cette pétition avait pour objectif de contester ce qui avait été dit sur le bac et de s’alarmer du non-dit sur le brevet.
La pétition évoquait également les candidats des établissements hors contrat d’enseignement à distance qui eux aussi étaient écartés du bénéfice du contrôle continu.
Avez-vous obtenu des résultats ?
Oui, ils ont été quasi immédiats puisque le Ministre a annoncé dès le lendemain que le contrôle continu serait finalement accessible aux élèves scolarisés dans les établissements hors contrat pour obtenir leur diplôme du baccalauréat.
Il nous a fallu néanmoins veiller au grain pour que cette annonce soit suivie d’effet, réalisable et que l’égalité des chances soit bien respectée entre tous les candidats quel que soit leur établissement d’origine (public, sous contrat ou hors contrat).
Était-ce le seul point qui restait à surveiller ?
Malheureusement non ! Il nous fallait aussi maintenir une pression pour obtenir les mêmes résultats pour les élèves de troisième scolarisés dans le hors-contrat ainsi que pour les candidats bénéficiant d’un enseignement à distance.
Notre pétition intitulée « Bac & Brevet 2020 : pour l’égalité entre les élèves ! » a donc été laissée en ligne et l’est toujours. Elle a d’ailleurs recueilli à ce jour près de 4000 signatures.
Avez-vous saisi le Ministère de l’éducation nationale de vos revendications ?
Oui, bien entendu. J’ai notamment adressé deux courriers en avril au directeur du cabinet du Ministre avec de nombreuses questions et demandes de précision.
Le premier problème à soulever concernait le livret scolaire : le ministre avait indiqué que tous les candidats disposant d’un livret scolaire, comme ceux issus du CNED, pourraient passer les épreuves dans les mêmes conditions que leurs camarades des établissements publics ou privés sous contrat mais de quel livret précisément s’agissait-il ? Étai- il prévu une alternative pour les établissements ne possédant pas de livret comparable à celui des élèves du public et du sous-contrat ? Toutes les déclarations du ministre étaient ambiguës à ce sujet !
Nous avons également demandé qu’on évoque enfin le cas des élèves de troisième scolarisés dans le hors-contrat qui restaient les grands oubliés du système.
Des questions étaient également posées sur la prise en compte des différences de niveau de notation continue entre les établissements.
Des échanges réguliers ont également eu lieu avec la DGESCO (Direction Générale de l’Enseignement scolaire).
Vos demandes ont-elles été suivies d’effets ?
Oui. Dans un premier temps, nous avons été informés que les élèves dépourvus d’un livret scolaire pourraient se prévaloir d’un dossier de contrôle continu pour les épreuves du Baccalauréat. Une avancée de taille !
Dans un deuxième temps, deux décrets et arrêtés du 27 mai 2020 ont enfin entériné le fait que les élèves des collèges et lycées indépendants pourraient bien passer et obtenir leur Bac et leur Brevet 2020 dans des conditions comparables à celles des autres élèves scolarisés dans le public et le sous-contrat.
Cette confirmation réglementaire constituait l’aboutissement d’une mobilisation importante de la Fondation en faveur d’une non-discrimination des élèves des écoles hors contrat devant l’examen : pétition et échanges avec le ministère avaient bien porté leurs fruits !
La victoire est-elle totale ?
Presque dans la mesure où, grâce notamment à l’intervention déterminante de la FNEP, un décret du 19 juin est venu étendre aux candidats inscrits dans des établissements privés dispensant un enseignement à distance le bénéfice de la prise en compte des notes de contrôle continu.
Nous pouvons donc nous féliciter aujourd’hui du fait que les candidats au brevet et au bac cette année, quel que soit leur établissement d’origine, apparaissent enfin comme égaux en droits.
La victoire sera vraiment totale lorsque nous aurons eu les retours de tous les établissements indépendants sur la recevabilité de leur dossier de contrôle continu d’une part et sur les notes et mentions obtenues par leurs élèves d’autre part.
Sur ce dernier point, nous avons en effet insisté sur la nécessaire prise en compte par le jury des différences de notation d’un établissement à l’autre. Certains établissements indépendants sont particulièrement exigeants avec leurs élèves et stricts dans leur notation.
Il faut donc s’assurer que nous avons bien été entendus sur cet ultime point et que les résultats et les mentions octroyées pour ce bac 2020 sont en adéquation avec le niveau réel des élèves.
Comment saurez-vous si les résultats des candidats auront bien pris en compte les modes de notation des établissements ?
Nous invitons chaque établissement à nous indiquer si les résultats de leurs élèves au bac reflètent bien leur niveau et sont comparables à ceux de leurs bacheliers des autres années.
Il est primordial que les retours soient nombreux. A défaut, même en présence de distorsions importantes, une action aurait peu de chance d’aboutir.
Merci par avance aux établissements de nous communiquer leurs observations et constats lorsqu’ils auront pris connaissance des résultats de leurs élèves en contactant notre responsable juridique Titiane Salleron : par courriel.