La synthèse du colloque est suivie de l’étude complète sur “Le bilan des expériences de financement public du libre choix de l’école”, réalisée par Charles Arnoux et Liliane Debroas, docteurs en économie, et des propositions de réforme formulées par la Fondation pour l’école “Applications à la France de mécanismes de financement public d’offres scolaires alternatives limitées aux cas de défaillance avérée de l’offre scolaire publique”.
I DIAGNOSTIC
L’État a le devoir constitutionnel d’assurer à tous les enfants un égal accès à l’instruction. Est-ce une obligation de moyens ou une obligation de résultat ? Une chose est en tout cas certaine : l’existence de 40 % d’enfants en échec scolaire en fin de CM2 et de plus de 200 000 « décrocheurs » par an est le signal de défaillances caractérisées de l’offre scolaire publique. En zones d’éducation dite prioritaire, dans les campagnes peu peuplées ou pour les enfants ayant des besoins éducatifs spécifiques (handicapés, précoces, « dys », primo-arrivants…), il y a une rupture avérée de l’égalité des chances, contraire àla justice. Au moins pour ces enfants, une réforme de l’offre scolaire s’impose.
II LES EXEMPLES ÉTRANGERS
(D’après l’étude réalisée par Ch. Arnoux et L. Debroas – mars 2012, Université d’Aix–Marseille)
Depuis les années 1990, nombre de pays performants ont conduit des réformes qui sont fondées pour l’essentiel sur le renforcement de l’autonomie des établissements et le financement public du libre choix de l’école par les parents. À ce jour, les expériences les plus importantes sont menées :
– aux Pays-Bas, au Chili, en Suède, au Danemark et en Nouvelle-Zélande pour le chèque-éducation,
– dans certains États des Etats-Unis pour le crédit d’impôt,
– dans 41 États états-uniens, au Royaume-Uni (Angleterre) et à Bogota (Colombie) pour les charter schools.
III UN SEUL PRINCIPE, TROIS MÉCANISMES INNOVANTS
1- Le chèque-éducation (appelé voucher dans les pays anglo-saxons, ou encore « ticket scolaire » ou « bon scolaire » dans les pays francophones) : les parents reçoivent un coupon qui leur permet de payer l’établissement scolaire de leur choix (en pratique, l’argent est le plus souvent envoyé directement à l’école, au prorata du nombre d’élèves). Ce système peut couvrir les seules écoles privées (cf. États-Unis) ou bien être appliqué aussi aux écoles publiques (cf. Pays-Bas). Le montant de ce chèque est fixé par rapport au coût moyen de scolarisation d’un enfant en école publique (85 % du coût au Danemark).
2- Les crédits d’impôt (appelés individual tax credit and deductions, scholarship tax credit et Education Saving Accounts) : les frais de scolarité, voire les dépenses éducatives annexes (cours supplémentaires, manuels scolaires…), sont déductibles des impôts ou ouvrent droit à un remboursement, si les impôts dus sont inférieurs aux dépenses scolaires consenties. Des réductions d’impôt sont prévues aussi pour les entreprises ou les particuliers qui font des dons à des organismes octroyant des bourses scolaires.
3- Les charter schools (appelées « écoles publiques sous contrat » ou « écoles conventionnées »). Ce sont des écoles publiques de gestion privée, financées par l’État au prorata du nombre d’élèves, autonomes par rapport aux autorités de tutelle ordinaires, libres de leur pédagogie et de leurs valeurs. Créées par des parents, des professeurs, des fondations, des universités, elles sont souvent spécialisées (enfants en difficulté, enfants précoces, enfants à risque, minorités linguistiques…) ou cherchent à promouvoir un meilleur niveau d’études dans une zone urbaine sensible. Elles sont généralement de petite taille, autour de 200 élèves. La moitié d’entre elles se sont spécialisées dans la scolarisation des enfants de familles à faibles revenus. Elles sont libres du recrutement de leurs professeurs, gratuites et gérées par leurs concessionnaires sans pouvoir générer de bénéfices. Les élèves sont sélectionnés par tirage au sort tant la demande des familles excède l’offre de places (on compte actuellement 400 000 enfants sur liste d’attente aux États-Unis). Ces écoles sont comptables de leurs résultats et tenues de faire passer aux élèves les tests de référence. En cas de résultats insuffisants, l’État les ferme (12,5 % de fermetures annuelles aux États-Unis). Ces écoles ont été développées à partir des années 1990 aux États-Unis. Au Royaume-Uni (Angleterre), elles ont été créées à partir de 2000 pour les Academies et de 2010 pour les Free schools.
Ces trois mécanismes reposent sur un même principe : « Le financement suit l’enfant. » Chaque école n’est pas financée par dotation globale d’établissement mais au prorata du nombre d’enfants qui s’y sont librement inscrits.
IV NOS PROPOSITIONS
Nous proposons d’expérimenter pendant cinq ans, avec une évaluation à la clé, d’une part, l’instauration de charter schools et, d’autre part, la mise en place de crédits d’impôt ou de chèques-éducation au profit de catégories d’enfants ciblées :
a) enfants en échec scolaire hors zone d’éducation prioritaire,
b) enfants exprimant le besoin d’étudier en internat,
c) enfants en ZEP,
d) enfants en zone rurale peu peuplée menacés d’être privés d’écoles de proximité,
e) enfants à besoins éducatifs spécifiques : atteints d’un handicap physique ou mental ; précoces ; atteints de troubles de l’apprentissage (notamment les « dys ») ; bilingues ; primo-arrivants ne maîtrisant pas la langue française ; issus de familles non sédentaires (gens du voyage, militaires…); malades ; pratiquant un sport ou un art à haut niveau (besoin d’horaires aménagés).
Le recours aux charter schools permet de réformer l’école publique (en reprenant à leur compte les atouts de la gestion privée), et donc de freiner le transfert des élèves de l’école publique à l’école purement privée.
Pour les cas où il importe d’insérer les enfants que l’on souhaite aider dans un cadre ordinaire, avec d’autres enfants, il convient plutôt de recourir au chèque-éducation ou au crédit d’impôt.
Pour les cas de faible population, un choix exclusif devra être impérativement fait de l’un de ces deux mécanismes pour éviter la dispersion des moyens (recours à une consultation populaire).
Conditions préalables :
L’introduction de charter schools nécessite les modifications suivantes :
a) mettre en place une procédure d’agrément permettant à l’État de sélectionner les projets de création d’école par la société civile ou de transformation d’école publique en charter schools,
b) instaurer à côté du financement par établissement un financement par élève pour les enfants entrant dans le dispositif,
c) accorder des dérogations de droit à la carte scolaire pour les enfants optant pour les charter schools (voire de supprimer complètement la sectorisation),
d) autoriser les écoles publiques, sur la base d’un vote du conseil d’administration et des parents, à se transformer en charter schools,
e) octroyer aux charter schools la liberté de recruter sur profil des professeurs du public et privé sous contrat (détachement) voire la totale liberté de recrutement,
f) octroyer aux charter schools la liberté de choix des programmes, des valeurs éducatives, dans le cadre imparti par la loi de création des charter schools et dans le respect du Socle commun des connaissances,
g) créer un organisme d’évaluation des charter schools et d’information des parents indépendant de l’Etat et des concessionnaires.
Le texte complet de l’étude réalisée par Charles Arnoux et Liliane Debroas, Docteurs en économie, Université d’Aix-Marseille