Comment aider les enfants à mieux se concentrer ?

Pour le Dr Eric Konofal, coordonateur adjoint du Centre de Référence National de la Narcolepsie et Hypersomnies Rares, Centre Pédiatrique des Pathologies du Sommeil, Hôpital Robert Debré, Paris, spécialisé dans les troubles de l’attention, les problèmes d’attention n’ont rien à voir avec l’intelligence. Et pourtant ils sont une entrave réelle aux apprentissages.

Que connaît-on aujourd’hui, d’un point de vue scientifique, du fonctionnement de l’attention et de la concentration ?

Les neurosciences ont permis des avancées considérables dans la connaissance des mécanismes qui régulent l’attention. Même si on ne peut pas dire que tout soit parfaitement connu, et encore moins maîtrisé, on commence à mieux cerner, entre autres, le rôle de certains neuromédiateurs, comme la dopamine et la mélatonine, et de sels minéraux, comme le fer principalement. On connaît les rythmes circadiens qui structurent notre journée, et on peut maintenant évaluer, par des analyses biochimiques ou par imagerie médicale, les dysfonctionnements qui empêchent certains enfants de se concentrer. Avec ces données, on peut essayer d’apporter des solutions adaptées à chaque cas.

Est-il exact que les enfants ont davantage de problèmes à se concentrer aujourd’hui et, si oui, pourquoi ?

Il est difficile de répondre à cette question. On prête surtout beaucoup plus attention à ces problèmes aujourd’hui qu’avant. Les enfants sont plus massivement scolarisés, et il faut avouer que ce sont surtout les exercices scolaires, pratiqués dans le cadre de l’école, qui est un cadre uniformisé et contraignant, qui révèlent ce type de trouble. Auparavant, le système scolaire évacuait plus facilement, et précocement, les enfants qui présentaient un trouble de l’attention, d’autant plus que ce genre de trouble s’associe assez fréquemment à une hyperactivité motrice, qui peut être une stratégie développée par l’enfant pour maintenir son éveil ou son attention. Toutefois on trouve dans la littérature médicale de nombreux ouvrages qui traitent de l’inattention ou de la distraction, et ce dès le début du XIXe siècle. Il est donc probable que les enfants n’aient pas foncièrement changé, mais que notre regard sur eux se soit modifié. L’évolution de nos attentes à leur égard, et celle, très importante, des méthodes éducatives et pédagogiques ont rendu les problèmes plus apparents, et peut-être plus lourds de conséquence.

Combien de cas sont-ils pathologiques (TDAH) et à quoi est-ce généralement dû ?

Le Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH), qui associe inattention, impulsivité, et hyperactivité comportementale, touche de 2 à 5 % des enfants. Le diagnostic repose sur des critères cliniques définis dans le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-IV TR), critères qu’il convient de poser sur un enfant âgé de plus de 6 ans. L’origine du trouble est physiologique, et non éducative ou comportementale comme on l’a longtemps cru. Elle est à chercher dans un dysfonctionnement dopaminergique (la dopamine est un neurotransmetteur jouant un rôle important dans le système nerveux central, c’est-à-dire au niveau cérébral), auquel s’adjoint une carence en fer. La découverte récente de l’importance du fer dans les problèmes d’attention a changé considérablement l’approche thérapeutique de ces troubles.

Peut-on traiter ces dysfonctionnements chroniques d’origine chimique autrement que par des médicaments ?

C’est assez difficile, étant donné que l’origine est physiologique. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’est un médicament. La première chose à faire étant de traiter la carence martiale, il faut donner du fer. Est-ce alors un médicament ? Pour être fourni en quantité suffisante, le fer doit être apporté chimiquement, et c’est alors un médicament. Mais il est bon aussi de changer les habitudes alimentaires de l’enfant (et souvent de la famille), de manière à enrichir l’alimentation en fer. Notre alimentation a beaucoup évolué au cours des trente dernières années, et cela n’est pas sans conséquences. Beaucoup de sources de fer, parmi les meilleures, n’apparaissent plus au menu des enfants : viande rouge, boudin noir, foie, huîtres, moules, cœur de bœuf, haricots secs, mâche…

Ensuite, l’environnement peut être modifié : on peut supprimer les stimuli inutiles (images trop nombreuses dans les livres et manuels, télévision,…), et aider l’enfant à se concentrer en épurant son cadre de travail (ne pas le changer de place en classe, de manière à ce qu’il se familiarise avec ce qui l’entoure et puisse « l’oublier », veiller à ce que les effectifs de ses classes ne soient pas trop nombreux,…).

En quoi les neurosciences peuvent-elles aider l’éducateur ou le professeur à adopter des méthodes d’enseignement performantes ?  Quelles sont leurs limites ?

Elles peuvent aider à poser un diagnostic, et à différencier un enfant qui ne peut pas se concentrer, même s’il le souhaite, d’un petit plaisantin agité qui perturbe le cours volontairement. Des médecins, des orthophonistes et des psychologues spécialisés dans les troubles de l’attention développent aussi des activités qui peuvent rééduquer l’enfant, et lui apprendre à soutenir son attention. Ils donnent aussi souvent de bons conseils, sur les rythmes de travail, l’organisation fonctionnelle d’une classe (place des objets, décoration…), ou sur la conduite à tenir en face de ce type d’enfants, de manière à les aider à progresser et à apprendre. Les problèmes d’attention n’ont rien à voir avec l’intelligence, et pourtant ils sont une entrave réelle aux apprentissages.

Quelles seraient vos principales recommandations aux instituteurs pour apprendre à leurs élèves à développer une attention plus soutenue ?

Je ne suis pas sûr qu’on puisse « l’apprendre » aux élèves, du moins pas à ceux qui ont un vrai trouble. Mais pour faciliter la concentration, il existe de nombreuses méthodes, qui ont toutes leurs limites évidemment, mais qui peuvent être essayées par les enseignants. Quelques exemples, assez évidents : toujours bien décomposer les tâches à faire en petites unités, utiliser des métronomes ou de petites horloges pour bien circonscrire le « temps attentif » et permettre des pauses fréquentes, choisir un emploi du temps fixe et un peu ritualisé, qui permet à l’enfant de toujours savoir où il en est et de se concentrer sur le travail qu’on lui demande. D’une manière générale, il faut chercher à évacuer tout ce qui peut parasiter l’attention (je pense surtout, dans les salles de classe, aux écrans divers, aux multiples choses colorées qui décorent les murs et parfois pendent du plafond, et aux larges baies vitrées ouvertes sur la cour de récréation…).

Quel livre ou site internet conseillez-vous ?Proposition de questions :

On peut citer une association HyperSupers, laquelle a beaucoup œuvré dans l’information et la communication autour du TDAH : www.tdah-France.fr

Une présentation de cet article est parue dans Les Chroniques de la Fondation de septembre 2011.

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