Dans le rapport parlementaire “Réussir l’école numérique”, publié en 2009, le député Jean-Michel Fourgous écrivait que « le numérique apporte un souffle nouveau. Il représente une réelle source de motivation pour les élèves et une véritable aide dans la lutte contre l’échec scolaire. Ainsi, l’élève développe sa confiance et son autonomie. Il apprend à créer, à communiquer, à collaborer ». Réjouissons-nous de vivre à une telle époque et de confier nos enfants à un TNI (Tableau Numérique Interactif) grâce auquel la dégringolade de la France au Concours PISA ne sera plus qu’un mauvais souvenir ! Le ton est soviético-panégyrique et on se demande encore quelle voix pourrait s’élever contre un consensus aussi total : « Tous les témoignages d’élèves recueillis par la mission arrivent à la même conclusion. (…) L’usage des Tice en classe renforce durablement la mémorisation, la concentration, la motivation et la participation en cours. Facilitant et renouvelant les apprentissages, il favorise l’autonomie, la créativité, la collaboration et la confiance en soi des élèves qui développent de nouvelles compétences. Les résultats s’améliorent parfois de manière spectaculaire, que ce soit en lecture, en communication écrite, en mathématiques ou encore en langue étrangère. Les élèves retrouvent le goût de l’apprentissage, notamment en sciences » (source). Le rêve.
Oui mais.
Une information sortie en 2012 doit nous faire réfléchir. Plusieurs grands journaux, parmi lesquels Le Monde, Libération, L’Etudiant, se sont intéressés à une école californienne, sise au coeur de la Silicon Valley et comptant sur ses bancs essentiellement des enfants de l’industrie numérique : les fils et filles des cadres de Yahoo, Google, Ebay ou Microsoft (3/4 des parents travaillent dans le secteur des “nouvelles technologies”). Dans cette école, pas de télévision, pas d’ordinateur, pas de tablette. Même pas un pauvre TNI grâce auquel devenir créatif et autonome ! Le désert technologique. Mais un désert pavé d’or, à 20 000 dollars annuels pour une scolarité centrée sur la méthode Steiner : tricot et couture, proximité avec la nature, utilisation du corps dans les apprentissages et tableaux noirs. L’école accueille un peu plus de 300 élèves, et publie chaque année son rapport annuel, autant académique que financier, ce qu’on apprécierait de voir faire à certaines de nos écoles françaises. “S’extraire de l’exposition aux écrans est devenu un marqueur du luxe.” (Guillemette Faure, Le Monde, 27.04.2012).
On peut se précipiter dans la course folle des nouvelles technologies à l’école, qui a l’immense avantage de remplir quelques bons de commandes et d’opérer d’utiles transferts de fonds, mais on peut aussi raison garder face au numérique et faire attention aux conclusions des publications scientifiques : une étude américaine de 2013 portant sur 1 123 élèves venant de 15 écoles californiennes montre ainsi qu’il n’y a aucune différence de résultats scolaires entre ceux qui travaillent avec un ordinateur et ceux qui n’en ont pas ; l’expérience nous conduit aussi à considérer le numérique en matière scolaire avec une circonspection méthodologique.
Viriginie Subias Konofal
Mme Subias-Konofal donnera une conférence dans le cadre de l’ILFM (Institut Libre de Formation des Maîtres) le samedi 17 mai de 18h à 19h30 à Paris XVIè sur le thème « Faut-il vraiment apprendre à lire aux enfants ? ». Pour vous inscrire, vous pouvez écrire à contact[arrobase]fondationpourlecole.org.