Deux pistes pour réinventer les MOOC

Lorsqu’ils sont apparus dans les années 2010, les MOOC ont soulevé beaucoup d’espoirs. De là à constituer une révolution de l’enseignement, il y a un pas qui n’a pas été franchi comme le notait déjà en 2018 dans ces colonnes Mathieu Cisel, enseignant à CY University.

Mais le confinement a remis en lumière ces outils, rappelant à quel point il peut être bénéfique de les maîtriser. Pour preuve, le nombre de recherches sur Google à partir du mot clé MOOC a doublé entre mi-mars et mi-juin 2020 – avant de revenir au même niveau que celui de 2014.

Voilà qui incite à réfléchir à de nouvelles pistes pour renouveler les MOOC, afin de mieux tirer parti de leur potentiel. Dans ce cadre, pourquoi ne pas s’inspirer de la vogue des tutoriels et des progrès de l’impression 3D ?

Formation à la demande

Pourquoi parle-t-on de succès mitigé concernant les MOOC ? L’argument principal est le manque d’attention prêté par l’étudiant aux cours en ligne. Pour quantifier cette attention, on définit un taux de rétention, qui correspond au ratio entre le nombre d’inscrits et le nombre d’étudiants terminant la formation. Pour les MOOC, ce taux est en moyenne entre 5 % et 10 %, sachant que les étudiants affirment généralement ne pas avoir trouvé dans les MOOC suivis les connaissances qu’ils cherchaient.

Les MOOC ont été développés par les établissements d’enseignement supérieur pour le grand public, mais leur développement est empreint du fonctionnement habituel de ces établissements, imposant leur logique synchrone – l’accompagnement des étudiants correspond à des périodes temporelles définies. Ainsi, la formation à la demande, hors contrainte de temps et de lieu – et qui était présentée comme l’un des avantages majeurs des MOOC – est perdue.

Évidemment, le développement de ces MOOC a motivé une montée en compétences de l’enseignement supérieur en termes de production de contenus vidéo et de création de nouveaux outils interactifs en ligne. Un effort accentué dernièrement par le confinement, qui a poussé à l’utilisation d’outil d’enseignement à distance.

Mais il est clair que l’investissement nécessaire pour leur prise en main et leur utilisation n’est pas négligeable et cela rentre en conflit avec les habitudes des enseignants. Alors, comment redorer le blason du MOOC ?

S’inspirer des tutoriels

La jeune génération est unie par un réflexe commun : face à un problème technique, les étudiants ont tendance à se diriger vers les contenus vidéo, et les moteurs de recherche leur permettent d’accéder facilement à des tutoriels sur YouTube. On ne peut pas leur donner tort, sachant qu’il en existe aujourd’hui pour tous les problèmes auxquels vous pourriez penser. Et, dans beaucoup de cas, ces tutos jouissent d’une production d’une qualité excellente et sont animés par de jeunes vidéastes qui savent parfaitement rendre leurs contenus attractifs.

Cette attractivité n’a pas qu’un intérêt esthétique : outre le fait de pouvoir conserver plus facilement l’attention, elle crée un ancrage émotionnel qui permet une meilleure rétention des connaissances. Autre avantage des tutos : ils abordent des sujets très précis, sont donc très courts et ne supposent pas de parcourir des heures de vidéo et de texte pour arriver à la solution du problème.

Comment intégrer ce que les tutos font de mieux pour rendre les MOOC plus performants ? La constitution de bibliothèques de contenus vidéos et interactifs est une piste. Elle doit permettre l’intégration facile de ces contenus dans les parcours de formation des étudiants, à l’image des modules développés sur fabadd-academie.fr par cinq écoles, qui peuvent ensuite y piocher les contenus nécessaires à leurs plans de formation.

Exemple de tutoriel (FabAdd Académie).

Il est en effet fréquent qu’une compétence technique « simple » soit nécessaire à plusieurs moments dans le cursus de l’étudiant. Par exemple, la rédaction d’un diagramme pieuvre. Cette compétence technique doit alors faire l’objet d’un « micro-MOOC » auquel on pourra alors faire appel à chaque fois que c’est nécessaire dans le parcours de formation de l’étudiant.

C’est cette forme de micro-MOOC qui semble aujourd’hui plus adapté aux besoins et aux capacités des publics actuels. En outre, la constitution des plans de formation par compétences, déjà bien mise en place dans les établissements d’enseignement supérieur, facilite grandement la constitution de ces bibliothèques de contenus en ligne en articulant chaque micro-MOOC autour d’une compétence précise.

Quant à l’attractivité, il n’est pas toujours évident de produire des vidéos et des contenus interactifs face à la concurrence des vidéastes YouTube. Mais les étudiants ont ici un rôle à jouer, en remobilisant les systèmes de tutorat : la bonne compréhension d’une thématique ou d’une méthode peut être validée par la production d’une vidéo ou d’un contenu pédagogique qui pourront être utilisés par les autres étudiants.

Les atouts de l’impression 3D

Comme exprimé plus tôt, la logique synchrone appliquée aux MOOC en est aussi un frein majeur. Ce choix se fait, entres autres, pour simplifier les modalités d’évaluation en se rapprochant des modèles en présentiel : soutenances, rapports, examens, évaluation par les pairs, etc. Mais on pourrait laisser aux MOOC cette asynchronie dont ils ont besoin en les intégrant dans des parcours de formation qui eux, bénéficient de ces modalités d’évaluations synchrones.

Nous aurions alors, d’une part, les contenus en ligne qui sont indépendants, où les étudiants sont en auto-formation et auto-évaluation, et, d’autre part, le contenu complémentaire en présentiel. C’est cette construction de scénarios de formation hybride qui va rendre aux MOOC l’importance qu’ils promettaient, en les divisant en micro-MOOC précis et en les intégrant dans les parcours de formations dont les établissements d’enseignement supérieur sont porteurs.

Pour évaluer l’acquisition des compétences dans un parcours asynchrone, on ne dispose pour l’instant que de peu de moyens. Mais, dans le cas de l’ingénierie, l’impression 3D est une piste pertinente. De la même manière que le verbe cristallise la pensée, l’impression 3D peut cristalliser les compétences et ainsi offrir à l’étudiant un moyen plus objectif d’évaluer ses acquis.

Bande-annonce du MOOC sur l’impression 3D de la FabAdd Académie.

En effet, quoi de mieux que de concrétiser ses travaux de conception numérique pour analyser ses choix techniques ? Avec le système qu’il a conçu entre ses mains, l’étudiant peut facilement pointer du doigt ce qu’il a fait de bien et ce qu’il faudrait améliorer. La production rapide d’une conception (appelée prototypage rapide) est répandue dans les entreprises.

C’est précisément pour les mêmes raisons que la pièce imprimée en 3D va offrir à l’étudiant une visibilité pour s’auto-évaluer objectivement en confrontant ses idées de conceptions à l’utilisation réelle de la pièce finie. C’est la démarche d’évaluation qui a été mise en place durant le confinement pour certains des futurs ingénieurs de l’EPF.

L’autre intérêt de l’impression 3D réside dans l’interactivité qu’elle offre aux étudiants qui suivent le MOOC. Un étudiant peut présenter la pièce imprimée ainsi que son autoévaluation, que les autres étudiants pourront alors commenter, et éventuellement y apporter des améliorations.

La constitution de bibliothèques de contenus pédagogiques courts à multiples usages est donc un enjeu majeur de l’enseignement. Et ces contenus pédagogiques étant utilisables dans tous les parcours de formation, il est intéressant pour les établissements d’enseignement supérieur de coopérer sur leurs constructions afin d’en accroître au maximum la valeur ajoutée.The Conversation


Julien Gardan, Enseignant-Chercheur associé à l’UTT et l’EPF-UGEI, Université de Technologie de Troyes; Arthur Gontier, Ingénieur de coordination pédagogique – fabrication additive, EPF – UGEI et Mahdi Chemkhi, Enseignant-chercheur à l’EPF école d’ingénieur-e-s et Chercheur associé à l’UTT (équipe LASMIS), EPF – UGEI

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.