#EcoleHorsContrat : Xavier Fontanet défend l’enseignement libre

Madame la ministre, ne touchez pas à l’enseignement libre !
Professeur de stratégie à HEC, l’ancien PDG d’Essilor, Xavier Fontanet, pointe à travers les exemples étrangers les éléments qui constituent la qualité du système éducatif.

Faut-il une nouvelle loi pour encadrer plus strictement l’ouverture d’établissements scolaires ou peut-on faire avec l’arsenal existant ? Madame Vallaud-Belkacem invoque la menace de l’endoctrinement religieux mais dans l’état de défiance dans laquelle se trouve la société française, un non spécialiste de l’éducation nationale voit dans ce projet une tentative destinée à réduire la concurrence alors que l’éducation publique a la charge de plus de 83 % des établissements scolaires (niveau atteint nulle part ailleurs dans le monde développé).

La première attente des citoyens en ce moment est plutôt de savoir où se situe notre éducation et quelles sont les stratégies à adopter pour préparer nos enfants à un monde dans lequel la concurrence fait rage, ce monde qu’ils n’ont peut-être pas choisi mais qu’ils vont devoir affronter. Les nouvelles que nous collectons sont préoccupantes. Les chiffres montrent que notre éducation rétrograde chaque année. Les classements Pisa (primaire et secondaire) et les classements Shanghai (université) en sont les tristes illustrations. L’éducation nationale est responsable de cette dégringolade. Faut-il réagir en étendant la sphère de son influence ou, au contraire, en laissant grandir les structures qui maintiennent une formation solide et adaptée ? En un mot, faut-il supprimer la « concurrence » ou la maintenir pour stimuler l’école de la République ? Une émulation que Condorcet lui-même en 1792 appelait de ses voeux, considérant que l’école publique, pour ne pas se scléroser, avait besoin de l’école privée. Là est la seule question qui vaille ! Pour éclairer la réflexion, regardons quels sont les pays où l’éducation est performante et comment ils expliquent leur succès.

En tête du classement, on trouve régulièrement la Finlande, un petit pays qui explique très clairement que c’est dans la qualité de ses professeurs que réside la réussite de son école. La taille est secondaire et le succès des petits pays en est la preuve. L’éducation n’est pas un domaine où la quantité prime.

Autre constatation, ce sont les pays dans lesquels il y a émulation à l’intérieur des systèmes éducatifs qui sont les plus performants. En Suisse (placée régulièrement parmi les leaders), la gestion des écoles est cantonale (un canton est un demi-département français). Les Suisses soutiennent que l’émulation entre les établissements est le meilleur garant de créativité et de performance. On trouve d’ailleurs une preuve de l’efficacité de la concurrence en regardant les notes du bac en France : les notes les meilleures sont obtenues dans les départements où les établissements privés ont une forte importance ; non pas parce que le privé est meilleur mais parce que le public n’est jamais aussi bon que quand il est concurrencé. Ces modèles mettent en relief la centralisation excessive de notre système éducatif. Les Hollandais et les Suisses insistent sur le fait que c’est beaucoup plus facile de rapprocher vie professionnelle et écoles dans un système complètement décentralisé.

La deuxième attente des citoyens : éviter le chômage des jeunes. Quels sont les pays où le chômage des jeunes est le plus bas ? Les Pays-Bas, la Suisse et l’Allemagne. Ces trois pays font à l’apprentissage une place triple de la nôtre ! À la lueur de ces résultats, nos programmes semblent de moins en moins adaptés. Il y a, au fond, trois différences entre eux et nous. En premier lieu, ils investissent des sommes importantes dans le primaire, ensuite ils orientent les enfants plus tôt, enfin ils donnent une part beaucoup plus forte à la filière technique et à l’apprentissage. Ce dernier point est essentiel. L’apprentissage est chez eux une voix d’excellence : chez nous, c’est une sorte de deuxième division où on envoie ceux qui ont échoué dans la filière générale. Rappelons, pour finir, que ces trois pays considèrent que la technologie va faire la différence entre les pays qui seront prospères et ceux qui ne le seront pas. Forts de leur exemple, nous devons absolument revoir les matières que nous enseignons. Ces pays ont depuis longtemps fait une croix sur l’infaillibilité ministérielle et se reposent sur l’expérimentation, un pragmatisme qui décide de ce que l’on cesse et que l’on poursuit, pour cheminer vers la vérité. L’éducation n’est pas une science exacte.

Le gouvernement est aujourd’hui absorbé par des chantiers prioritaires (emploi, sécurité…) et c’est une erreur majeure que de mettre aujourd’hui ce sujet de la liberté scolaire sur le tapis. S’il y avait un conseil à donner à notre ministre de l’Éducation nationale, ce serait le suivant : faire un tour du monde avec les directeurs de l’administration pour comprendre dans le détail comment les États-Unis, la Corée du Sud ou la Chine préparent leurs enfants au monde qui les attend.

XAVIER FONTANET