Ecoles hors-contrat : les trois principaux changements votés dans la loi Séparatisme
La loi « confortant les principes républicains » votée cette semaine en première lecture à l’Assemblée nationale prévoit de renforcer le contrôle sur les écoles hors-contrat au travers de trois mesures principales.
Pour les écoles hors contrat, les débats auront été beaucoup moins longs et ardents que pour l’instruction en famille. Votée cette semaine en première lecture à l’Assemblée, la loi « Séparatisme » contient pourtant plusieurs modifications importantes de la législation qui les concerne (articles 22 et 23 du projet). Trois d’entre elles se détachent particulièrement.
1. La fermeture administrative des établissements
C’est le principal changement qu’entend apporter la loi en discussion. Il consiste à permettre au préfet de procéder à la fermeture administrative, après une mise en demeure non suivie d’effets, d’un établissement hors contrat qui ne respecterait pas les règles. Ce faisant, le projet transfère du juge pénal au préfet, à des fins d’efficacité, la possibilité de faire fermer un établissement. L’argument invoqué repose sur la complexité de la procédure judiciaire actuellement applicable. La fermeture administrative, temporaire ou définitive, pourrait aussi avoir lieu en cas de refus de contrôle, ou d’« obstacle au bon déroulement de celui-ci ». Au cours des discussions, plusieurs députés Les Républicains ont critiqué ces changements, estimant qu’ils conféraient un pouvoir trop élevé à l’administration et que le cadre juridique actuel, réformé en 2018 par la loi Gatel, était « équilibré et proportionné ». Dans la continuité des réactions sur l’instruction en famille, ils ont déclaré que le gouvernement se trompait de cible, restreignant la liberté d’enseignement au lieu de de lutter contre « l’idéologie séparatiste et l’entrisme communautaire ». Dans son avis sur le projet, le Conseil d’État avait toutefois indiqué que ce projet ne posait pas « d’obstacle juridique de principe », notant que la loi confiait déjà au préfet le pouvoir de fermer un certain nombre d’établissements.
2. Les sanctions encourues par les directeurs d’établissements aggravées
Autre levier actionné par la loi : les sanctions encourues par les dirigeants d’établissements hors contrat qui ne respecteraient pas les règles. Le projet prévoit ainsi d’alourdir les sanctions pénales dont ils sont passibles lorsqu’ils ne prennent pas les mesures nécessaires pour résoudre les manquements qui leur ont été signalés lors de la mise en demeure par les autorités de l’État. Celles-ci sont portées de six mois à un an d’emprisonnement, avec 15.000 euros d’amende. Le tribunal peut également prononcer à l’encontre du directeur l’interdiction de diriger ou d’enseigner. Le fait de ne pas procéder à la fermeture d’un établissement ayant fait l’objet d’une mesure de fermeture, ou de faire obstacle à sa mise en œuvre, sera quant à lui passible d’un an d’emprisonnement et de 75.000€ d’amende. Là aussi, plusieurs députés Les Républicains ont dénoncé un dispositif « exagérément punitif ». À noter que ce texte consacre aussi la faculté du préfet, lorsqu’il constate que des enfants sont accueillis pour recevoir des enseignements scolaires sans déclaration préalable ou avant l’expiration du délai durant lequel les autorités peuvent s’opposer à l’ouverture (trois mois), d’interrompre cet accueil et de fermer les locaux. Le texte ajoute un an d’emprisonnement aux 15.000€ d’amende déjà prévus en cas d’ouverture d’établissement sans déclaration préalable ou en dépit d’une opposition formulée par les autorités à son sujet.
3. Davantage de contrôle des recrutements et du financement
Dernier volet : un contrôle renforcé du personnel et des ressources financières employés par les établissements hors-contrat. L’obligation actuelle de transmettre chaque année à l’Etat certaines informations sur les personnels enseignants (nom et pièces attestant de leur identité, de leur âge et de leur nationalité) serait ainsi élargie aux personnels non-enseignants. En commission, avait été ajoutée au texte l’obligation pour les établissements de transmettre ces éléments avant l’embauche, afin que le préfet vérifie que les candidats ne soient pas inscrits dans certains fichiers (radicalisation ou infractions à caractère terroriste) et puisse s’y opposer, mais le gouvernement l’a annulée par amendement, jugeant que cette mesure créerait, appliquée au seuls établissements hors contrat, une inégalité avec le reste du personnel enseignant, et qu’à l’inverse elle serait impossible à généraliser à tous. Il a également rappelé qu’une personne ne pouvait ni diriger ni être employée par un établissement hors contrat lorsqu’elle avait été condamnée pour des faits « contraires à la probité et aux mœurs », et a fait préciser que ceux-ci incluent les « crimes ou délits à caractère terroriste ».
Par ailleurs, le projet de loi oblige l’établissement à fournir, si le préfet ou le recteur en fait la demande, des documents budgétaires, comptables et financiers précisant l’origine, le montant et la nature des ressources de l’école hors contrat.
Enfin, le projet prévoit que les établissements hors contrat se verront proposer par les autorités compétentes en matière d’éducation une « charte des valeurs et principes républicains », à laquelle, selon la députée MoDem qui a porté cet amendement en commission, « la très grande majorité adhère ». Un moyen, selon elle, « de rappeler que ces écoles font pleinement partie de l’école républicaine ».