Pierre Arduin, professeur de SVT et auteur de nombreuses publications sur la bioéthique comme La bioéthique et l’embryon (2007), analyse la contradiction existant entre la politique d’accès à la contraception d’urgence mise en place progressivement par les gouvernements successifs à l’intention des mineures, en particulier dans le cadre des établissements de l’Education nationale, et les lois en vigueur garantissant en théorie le respect des droits et devoirs des parents à l’égard de la santé, de l’éducation, de la moralité des mineurs.
Depuis l’adoption de la loi n. 2000-1209 du 13 décembre 2000, œuvre législative portée par Ségolène Royal alors ministre déléguée à l’Enseignement scolaire, la contraception d’urgence peut être administrée par les infirmiers(ères) de l’Education nationale aux élèves mineures à l’insu de leurs parents. Le décret n. 2001-258 du 27 mars 2001 pris en application de cette loi précise que le NorLevo®, nom commercial de la pilule du lendemain, est délivré de manière anonyme et gratuite dans l’enceinte scolaire si l’élève se trouve en « situation de détresse » ; en cas de dépassement du délai d’efficacité du produit qui doit être ingéré dans les 72 heures qui suivent un rapport sexuel, l’infirmier(ère) doit impérativement orienter la jeune fille vers un centre de planification familiale ou un établissement de santé adéquat pour la prendre en charge.
Sauf avis contraire de l’élève, le protocole national sur la contraception d’urgence en milieu scolaire autorise donc l’infirmier(ère) à soustraire la mineure aux titulaires de l’autorité parentale, tant lors de la procédure d’administration de la pilule du lendemain qu’en cas d’orientation vers un centre de planification ou un hôpital. Autrement dit, l’Etat usurpe le droit inaliénable des parents à l’éducation de leurs enfants dans un domaine d’autant plus crucial qu’il concerne l’un de ses aspects les plus originaux et essentiels : l’éducation à l’amour et à la sexualité dans son lien avec la transmission de la vie humaine. Selon l’Inspection générale des affaires sociales, en 2006/2007 9672 élèves ont reçu la pilule du lendemain au sein de leur établissement, soit une augmentation de la délivrance de la contraception d’urgence de 66 % par rapport à la période 2001/2002.
Selon sa définition classique, l’avortement est la destruction, quelle que soit la façon dont il est effectué, d’un être humain dans la phase initiale de son existence située entre la conception et la naissance. Or, le lévonorgestrel qui est la molécule active de la contraception d’urgence, s’il peut bloquer l’ovulation et donc empêcher la rencontre des cellules sexuelles en mettant en jeu un mécanisme anticonceptionnel qui déjoue la fécondation, peut également avoir un effet abortif. En effet, le premier type d’action « contraceptif » n’est vrai que si le produit est pris avant l’ovulation. Si celle-ci vient d’avoir lieu ou si elle est sur le point de se produire, les spermatozoïdes ne mettant que 50 à 80 minutes pour rejoindre le lieu de la fécondation, la substance active du NorLevo® ne pourra éviter que se rejoignent les gamètes féminin et masculin. Dans ce cas, la pilule du lendemain met en œuvre un mécanisme interceptif ou antinidatoire qui va empêcher l’implantation de l’embryon déjà conçu. Ici, l’action antinidatoire de la pilule du lendemain n’est donc qu’un avortement précoce réalisé à travers des moyens chimiques. Ne connaissant pas exactement le jour de l’ovulation, l’élève à qui l’infirmier(ère) administre la pilule du lendemain ne saura donc jamais à quel moment du cycle elle se trouvait et si elle a détruit ou non l’enfant à naître qu’elle portait.
L’intention « abortive » est donc au cœur de cette procédure comme en témoigne d’ailleurs la recommandation faite aux professionnels de santé de l’Education nationale d’orienter l’élève vers le centre de planification familiale le plus proche en cas de dépassement du délai d’efficacité de la contraception d’urgence. Cette disposition n’a en effet de sens que si les acteurs de ces structures proposent dans un second temps à la jeune fille une interruption volontaire de grossesse de rattrapage. Alors que l’école devrait s’en tenir en matière d’éducation sexuelle soit à une stricte neutralité soit à une coopération prudente réalisée sous la conduite attentive des parents et dans le respect de leurs convictions, l’Etat outrepasse ici son rôle en bafouant leur droit inaliénable de premiers éducateurs de leurs enfants.
Ce protocole qui viole leur droit parental est par ailleurs totalement contradictoire avec les dispositions du code civil et du code de la santé publique. En effet, l’article 371-1 du code civil définit l’autorité parentale comme un « ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne » et l’article 4127-42 du code de la santé publique insiste sur le fait qu’un acte médical ne peut être autorisé sur un mineur que si le professionnel de santé a cherché à obtenir le consentement des parents, sauf cas d’urgence vitale caractérisée. Deux obligations pèsent ainsi sur le médecin à l’égard de ceux qui sont titulaires de l’autorité parentale : l’obligation de les informer de tout ce qui concerne la santé de leur enfant d’une part, l’obligation d’autre part de recueillir leur consentement (sauf urgence) avant d’effectuer toute investigation ou acte médical sur celui-ci.
Cette incohérence juridique ne fait que révéler l’approche idéologique d’un Etat qui banalise la sexualité humaine, s’arroge un pouvoir exorbitant sur la vie humaine et s’affranchit de la famille, première école de l’éducation à l’amour des enfants. De fait, les parents sont mis dans l’impossibilité d’exercer leurs droits et devoirs éducatifs en un domaine éminemment intime, au profit de l’Etat qui lui impose par des voies détournées la violation de la conscience de tous, parents et adolescents.
Pierre ARDUIN