Le Premier ministre et le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer préparent la rentrée. Dans un entretien accordé à Ouest-France, ils affichent leur intention de poursuivre la rénovation du système éducatif en faisant évoluer la formation des enseignants et l’organisation territoriale du ministère.
« Nous ne ralentirons pas », affirmait mardi 31 juillet à l’Assemblée le Premier ministre en réponse aux deux motions de censure déposées contre le gouvernement. Ce mercredi matin, en compagnie de Jean-Michel Blanquer, il confirme. Les deux hommes fixent le cap des transformations qu’ils veulent engager à partir de la rentrée en direction du 1,2 million de personnels de l’Éducation nationale.
Le redressement de la France passe par l’éducation ?
Édouard Philippe. Nous considérons que toutes les questions relatives à l’éducation, aux compétences, à l’intelligence individuelle et collective ainsi qu’à la formation professionnelle sont l’un des grands enjeux de notre pays. Si nous voulons pouvoir peser sur le monde et nous développer, cela passe par l’éducation, la formation et la montée en compétences.
Sans renoncer à faire des économies ?
Édouard Philippe. Notre politique se fera à moyens contraints, mais nous investissons dans l’éducation et la formation, et cherchons à faire de profondes transformations, pas de petites économies.
La France peut faire mieux ?
Jean-Michel Blanquer. De façon générale, la formation initiale des professeurs ne nous donne pas satisfaction. C’est vrai depuis des décennies et cela explique nos résultats parfois décevants dans les classements internationaux, par exemple dans l’apprentissage des mathématiques.
Une prime de 1 000 € nets
Emmanuel Macron s’était engagé à donner une prime de 3 000 € aux professeurs intervenant dans les zones d’éducation prioritaire. Que devient cette promesse ?
Jean-Michel Blanquer. Au mois de septembre, une prime de 1 000 € net va être donnée aux personnels dans les REP + (réseaux d’éducation prioritaire). En septembre 2019, ce sera 2 000 € net. Et en septembre 2020, 3 000 € net. Trop souvent, les moyens supplémentaires affectés à ces territoires ont été conçus comme une indemnisation des difficultés rencontrées. Demain, ils devront être une stimulation au service de la réussite des élèves.
Le reste de l’enveloppe pourrait être une base variable : selon quels critères ?
Jean-Michel Blanquer. Tout cela va faire partie des discussions en 2018 et 2019. Les syndicats comprennent bien qu’il s’agit d’un coup de pouce pour les professeurs et les personnels concernés (plus de 45 000 personnes). Cela ne peut être vu que positivement. Le but est bien de faire réussir les enfants avec un effort particulier dans les territoires les plus en difficultés en accompagnant les professeurs de façon collective. La prime pourrait d’ailleurs favoriser les objectifs fixés en équipe.
Qu’est-ce qui doit changer dans notre système éducatif ?
Jean-Michel Blanquer. Nous devons être capables de nous inspirer de ce qui se fait de mieux chez nous et ailleurs dans le monde. L’accent doit être mis sur les apprentissages fondamentaux : lire, écrire, compter, avoir une culture générale mais aussi respecter autrui. Dans le cadre de leur formation, les futurs professeurs doivent avoir davantage devant eux des enseignants qui sont eux-mêmes au contact des élèves. Il faut aussi développer le tutorat par le biais d’un accompagnement renforcé avec des pairs. Enfin, l’entrée dans le métier ne doit pas se faire dans un seul temps mais progressivement. Les vocations s’affirment par palier. Il faut parfois aussi être aidé financièrement.
Édouard Philippe. Nous voulons rééquilibrer nos moyens du secondaire vers le primaire. La démographie nous y aide et c’est quelque chose de très important. Car, au final, le surcroît de moyens consacrés au primaire a une efficacité considérable qui se retrouve dans la suite du parcours scolaire. En matière de justice sociale, beaucoup se joue dans le primaire.
Comment mieux identifier les profils dont l’Éducation nationale a besoin ?
Jean-Michel Blanquer. Le pré-recrutement est un enjeu essentiel. Il permet de s’assurer de la qualité et du nombre de professeurs à court et long terme et aussi d’encourager les vocations dès qu’elles se manifestent au début des études universitaires en faisant évoluer le statut d’assistant d’éducation. Aujourd’hui, ce statut est plutôt un handicap car il pose des problèmes d’emploi du temps et cette expérience n’est pas valorisée lors du concours.
Le moment du concours de professeur dans le cursus des étudiants pourrait être modifié ?
Jean-Michel Blanquer. Oui. Mais les modalités sont à discuter avec les différents partenaires dans les prochains mois. Nous y travaillons avec Frédérique Vidal.
Vous insistez sur la formation continue.
Jean-Michel Blanquer. Là encore, la situation n’est pas très bonne. Cette formation continue concerne trop peu de professeurs et souvent des initiés. Elle doit être de très haut niveau. Nous voulons qu’elle bénéficie à tous les professeurs et se passe le moins possible pendant le temps scolaire pour ne pas nuire aux élèves. Elle doit valoriser les professeurs tout à la fois dans leur carrière et sur le plan financier.
13 académies au lieu de 26
Vous voulez diviser par deux le nombre d’académies en les calant sur les Régions. Au risque d’éloigner les professeurs de ceux qui les gèrent ?
Jean-Michel Blanquer. En fait, c’est le contraire. Nous voulons éviter les effets de métropolisation excessive. Les sièges de rectorat ne seront pas forcément dans la capitale régionale. Comme par exemple avec Caen en Normandie alors que la capitale est à Rouen.. Les recteurs devront nous faire des propositions en janvier. Nous voulons à la fois des recteurs stratèges à l’échelle des régions et des instances départementales confortées dans leurs missions opérationnelles de soutien aux établissements Cela renforcera notre objectif de gestion de proximité et d’attention au monde rural..
Pourquoi ne pas avoir retenu la proposition de nouveau corps pour les professeurs ?
Édouard Philippe : Je ne crois pas que la question de l’attractivité du métier d’enseignement passe par une réponse purement statutaire qui aurait à la fois beaucoup agité les esprits et mis beaucoup de temps à aboutir. Avec Jean-Michel Blanquer, nous privilégions les réponses concrètes et opérationnelles : valoriser l’engagement dans les REP + avec la prime évoquée plus haut, développer les heures supplémentaires, attirer les personnes susceptibles de rejoindre l’éducation nationale dans une seconde carrière. Voilà des transformations qui vont très directement changer l’école et changer la vie des enseignants.