[Interview] A Lyon, une école indépendante dédiée aux enfants à haut potentiel, dys ou TDAH… mais pas seulement

Une fois n’est pas coutume, nous reproduisons ci-dessous une interview qui date un peu -février 2018. Mais Chloé Coffy, créatrice et directrice de l’école Etainç’ailes à Lyon, décrit ici remarquablement les questions qui se posent lors de la création d’une école, de la genèse du projet -ici, l’accueil d’enfants à haut potentiel, dys ou TDAH, sans solution scolaire dans le système traditionnel- aux problématiques à résoudre jusqu’à la pose de la première pierre.
Financement de la scolarité pour les familles, organisation pédagogique, sélection ou non des élèves, individualisation fine des contenus aux spécificités de chaque enfant, implication des familles… : la vie d’une école hors contrat au quotidien est ici relatée avec grande justesse, et sera pour tous les parents ou enseignants qui s’interrogent sur la possibilité d’une solution alternative à l’école publique ou privée sous contrat, une très bonne entrée en la matière.


LA CRÉATION D’UNE ÉCOLE HORS-CONTRAT

INTERVIEW DE CHLOÉ COFFY (lire sur le site de Millénaire 3 de l’agglomération du Grand Lyon)

Chloé Coffy, Directrice et fondatrice de l’école Etinc’ailes

Ouverte en 2015, Etinç’ailes propose une pédagogie adaptée à chaque enfant et tout particulièrement aux enfants à haut potentiel, ceux ayant un trouble dys ou de l’attention (TDA/ H). Dans cet entretien, Chloé Coffy nous explique la genèse et la mise en œuvre du projet et dresse un premier bilan du chemin parcouru, des difficultés et perspectives pour l’école et les enfants accueillis.

Date : 05/02/2018

Qu’est ce qui a motivé ce projet d’école ?

“Un jour je me suis dit que j’étais enseignante pour tous les enfants et j’ai décidé de créer cette école.”

Pendant 20 ans, j’ai enseigné dans l’éducation nationale, dans le privé sous contrat. Très tôt, j’ai été confrontée à la problématique de la précocité parce que j’avais une élève très perturbatrice mais à haut potentiel. A l’époque, ce sujet n’était pas très connu. En me formant, je me suis rendu compte que la précocité concernait au moins un ou deux enfants par classe.

Mais il y avait également d’autres enfants qui ne rentraient pas dans le moule de l’éducation nationale, par exemple, ceux ayant des troubles de l’attention, des troubles « dys », etc. J’utilisais des pédagogies alternatives, malgré mes 32 élèves et un double niveau. Ma classe et l’école étaient reconnues comme connaissant la problématique des « enfants précoces » mais progressivement, les changements au sein de l’équipe pédagogique et de la direction ont dilué le projet.

Au sein de l’inspection académique, j’ai participé à l’élaboration d’un livret sur la précocité et essayé de faire avancer les choses à mon niveau mais j’ai rencontré beaucoup de freins. Le fameux mammouth, ce ne sont pas que des mots ! Au fil du temps, il m’est devenu de plus en plus difficile de voir ces enfants, qui allaient pourtant bien lorsqu’ils étaient dans ma classe puisque j’adaptais la pédagogie, se sentir de moins en moins bien lorsqu’ils passaient dans la classe suivante parce qu’ils étaient de nouveau face à une pédagogie traditionnelle, pas toujours bienveillante et avec des exigences parfois absurdes pour des enfants de cet âge-là. Un jour je me suis dit que j’étais enseignante pour tous les enfants et j’ai décidé de créer cette école.

Quel est le profil des enfants accueillis ?

“Sur le plan socio-économique, c’est plus varié que ce que j’imaginais au départ.”

Au départ, l’idée était d’ouvrir une école pour les enfants précoces et ceux ayant des troubles des apprentissages. Finalement, le public s’est élargi, accueillant également entre autre, quelques enfants souffrant de refus scolaire anxieux qui vomissaient le matin, pleuraient toute la journée, des enfants n’ayant pas du tout confiance en eux…

Sur le plan socio-économique, c’est plus varié que ce que j’imaginais au départ. J’ai eu cette idée d’école il y a longtemps mais je ne voulais pas ouvrir une école que seuls les « riches » pouvaient s’offrir. Mais il y a un tel besoin que j’ai finalement décidé de me lancer. En faisant le business-plan, j’ai vu que pour pouvoir payer les charges (enseignants, intervenants, locaux, assurances…), les frais de scolarité devaient s’élever à 500 euros par mois sur 10 mois par élève.

Globalement, c’est ce que pratiquent un bon nombre d’écoles hors-contrat. Evidemment, ce n’est pas possible pour des parents qui perçoivent le RSA mais, certaines familles décident de privilégier cette scolarité pour leur enfant et renoncent à d’autres choses comme les vacances. Et certaines familles n’ont pas le choix : soit c’est une école hors contrat, soit leur enfant ne va plus à l’école, sachant que la scolarisation à domicile ne convient pas à tout le monde !

La demande est forte ?

“Il y a un réel besoin. A Lyon, c’est la seule école de ce type, accueillant à la fois des enfants à Haut Potentiel et des enfants ayant des troubles de apprentissages.”

Il y a un réel besoin. A Lyon, c’est la seule école de ce type, accueillant à la fois des enfants à Haut Potentiel et des enfants ayant des troubles de apprentissages. L’école a ouvert en avril 2015 avec 3 élèves et en comptait 24 à la rentrée 2016 alors que je communiquais assez peu par manque de temps et de moyens. En décembre 2017, 38 élèves étaient scolarisés à Etinç’ailes. Pour l’instant, les informations circulent surtout par internet, et de manière informelle, par le bouche à oreille ou encore via le réseau de professionnels de l’enfance auquel j’appartiens et qui peuvent être prescripteurs dans certains cas.

Je suis surprise par les kilomètres que les parents sont capables de faire pour inscrire leur enfant ici, voire sont prêts à déménager ! Plusieurs familles ont décidé de s’installer à proximité maintenant que l’école est à Sathonay-Camp. J’ai eu des demandes de Suisse, de Tahiti, de l’Ile Maurice et plusieurs enfants sont sur la liste d’attente !

Les parents sont démunis. Ils ont beaucoup souffert à travers leur enfant mais aussi en tant que parents. Ils se plaignent du manque d’écoute et d’une comparaison continuelle de leur enfant à la norme, ce qui leur donne l’impression d’être pris pour des mauvais parents. Alors que, pour la plupart, leur enfant ne rentre juste pas parfaitement dans les cases attendues. C’est un peu comme si un marchand de chaussures disait : à 7 ans, c’est taille 33 ! He bien non, ça ne marche pas comme ça ! Dans les écoles traditionnelles, on parle d’enfants « atypiques », moi, je préfère parler d’enfants ayant des besoins particuliers et encore, quand l’école peut s’adapter aux enfants, ces besoins particuliers diminuent fortement !

C’est toute l’ambition de la démarche d’école inclusive que d’adapter le système aux besoins des enfants et non plus l’inverse. Comment repensez-vous le cadre scolaire ?

“Les trois classes sont multi-niveaux et multi-âges pour gommer le rapport à la norme”

Les trois classes sont multi-niveaux et multi-âges : une classe 3-6 ans et deux classes 7-11 ans. C’est efficace pour gommer le rapport à la norme. Séparer les petits des grands pose inévitablement la question des critères du passage d’un groupe à l’autre. Nous avons choisi le critère d’âge de 7 ans mais cela reste souple en fonction des cas.

Dans les activités, il y a tout le temps des aller retours entre petits et grands, entre ceux qui ne savent pas faire et ceux qui savent faire. Parfois nous regroupons tous ceux qui ne savent pas faire, parfois avec un enfant qui sait faire et devient tuteur du groupe, parfois c’est hétérogène pour que les uns apprennent des autres… Le matin est plutôt consacré au scolaire pur : mathématiques, français et culture générale. Les après-midis sont centrés autour de l’enfant et débutent par un temps calme comme de la lecture, de la relaxation, du yoga…

Puis différents intervenants proposent des activités musique, théâtre, dessin, des expériences de science, des jeux de société qui sont une autre modalité d’apprentissage de la vie en société. Régulièrement, des projets à l’extérieur de l’école sont organisés : participer à une opération de protection de l’environnement, aller dans les bois, à l’usine, dans une boulangerie confectionner une tarte aux pommes, dans une maison de retraite…

Sur quelles pédagogies vous appuyez-vous ?

Notre priorité est la même pour tous : que les enfants viennent avec plaisir à l’école. La pédagogie générale, c’est la bienveillance et la pédagogie positive. Mais cela ne veut pas dire que c’est l’école des Bisounours ou qu’ils choisissent s’ils ont envie de travailler ou non !

Les enseignants proposent à l’enfant un apprentissage de la notion suivant celle qu’il vient d’acquérir. Pour cela, ils essaient plusieurs solutions. L’idée est d’encourager les aspects positifs des spécificités de ces enfants, notamment leur imagination et créativité. Ensuite, nous mobilisons différentes pédagogies pour trouver celle qui est la plus adaptée à chacun, nous mixons les approches : pédagogie traditionnelle, Steiner, Montessori, les intelligences multiples d’Howard Gardner, la gestion mentale, différentes méthodes de lecture…

Le travail se fait beaucoup en groupes avec des recherches à la maison et en s’appuyant sur différents outils comme les cartes mentales pour avoir des traces écrites. D’une façon générale, il n’y a pas beaucoup d’écrits. Que ce soit à cause de la dyspraxie ou de la précocité, l’écrit peut être très frustrant par ce que la main ne va pas assez vite ou que ça ne ressemble jamais à ce qu’ils voudraient.

Sur quelles pédagogies vous appuyez-vous ?

“Notre priorité est la même pour tous : que les enfants viennent avec plaisir à l’école.”

Notre priorité est la même pour tous : que les enfants viennent avec plaisir à l’école. La pédagogie générale, c’est la bienveillance et la pédagogie positive. Mais cela ne veut pas dire que c’est l’école des Bisounours ou qu’ils choisissent s’ils ont envie de travailler ou non !

Les enseignants proposent à l’enfant un apprentissage de la notion suivant celle qu’il vient d’acquérir. Pour cela, ils essaient plusieurs solutions. L’idée est d’encourager les aspects positifs des spécificités de ces enfants, notamment leur imagination et créativité. Ensuite, nous mobilisons différentes pédagogies pour trouver celle qui est la plus adaptée à chacun, nous mixons les approches : pédagogie traditionnelle, Steiner, Montessori, les intelligences multiples d’Howard Gardner, la gestion mentale, différentes méthodes de lecture…

Le travail se fait beaucoup en groupes avec des recherches à la maison et en s’appuyant sur différents outils comme les cartes mentales pour avoir des traces écrites. D’une façon générale, il n’y a pas beaucoup d’écrits. Que ce soit à cause de la dyspraxie ou de la précocité, l’écrit peut être très frustrant par ce que la main ne va pas assez vite ou que ça ne ressemble jamais à ce qu’ils voudraient

Comment arrivez-vous à gérer la diversité de comportements qui peuvent être perturbateurs ?

“Nous leur apprenons à gérer leurs troubles et besoins pour que la vie collective soit possible”

Nous leur apprenons à gérer leurs troubles et besoins pour que la vie collective soit possible. Un hyperactif apprendra à se connaître et anticiper ses crises. Nous lui proposons des outils pour aller se dépenser, lui expliquons que s’il bouge ses jambes, il fait bouger la table, que ça fait du bruit et gêne tout le monde. Progressivement, c’est possible de demander plus.

Si vous demandez à un enfant hyperactif de rester assis, il va tellement se concentrer sur cette consigne qu’il ne fera plus rien à côté. Ici, il peut être debout mais sans gêner les autres. S’il a vraiment besoin de bouger ses jambes, on lui propose de bouger ses orteils dans ses chaussures. Une coach vient aussi apprendre aux enfants à gérer leurs émotions et leurs relations.

Quelle orientation prennent les enfants en sortant de l’école ?

“On peut avoir des difficultés à l’école et pour autant très bien réussir sa vie”

Notre objectif est que ces enfants soient inclus dans la société, qu’ils aient confiance en eux et se rendent compte qu’ils peuvent réussir, à leur rythme, qu’ils peuvent, pour certains, être compétents à l’oral par exemple, même si l’écrit est difficile pour eux, ou juste être eux-mêmes et s’épanouir en progressant.

Légalement, nous avons l’obligation de mener les enfants au socle commun des compétences censées acquises à la fin du CM2. Certains iront plus vite, certains plus lentement et pour d’autres, comme certains multi-dys, ce n’est pas possible de maîtriser le programme du primaire. L’important est de bien s’orienter. Tous les métiers sont bons. La société est faite de gens très différents et a besoin de métiers, de compétences, de qualification très variés.

Pourquoi chercher à formater les enfants à l’école, leur demander de ne pas sortir du cadre pour ensuite leur dire qu’ils doivent sortir du lot pour être embauchés ? Dans une classe, les enfants travaillent chaque semaine autour d’un personnage mystère issu de l’Encyclopédie des cancres, des rebelles et autres génies qui retrace l’histoire de tous ces génies qui étaient de sacrés cancres à l’école comme Einstein ! Cela les aide à prendre conscience qu’on peut avoir des difficultés à l’école et pour autant très bien réussir sa vie. 

C’est pour cela que nous insistons beaucoup sur le développement de la personne et pas que sur l’élève. C’est aussi très important que chacun ait un moment « de gloire » au cours de l’année, que ce soit par des exposés sur un sujet qui les met en valeur devant les autres, ou par la présentation d’une activité extrascolaire. Chacun est également le référent de la classe dans un domaine.

Quelle est l’implication des parents ?

“Les parents font vraiment partie de l’équipe pédagogique.”

Les parents font vraiment partie de l’équipe pédagogique. Nous comptons beaucoup sur leurs retours pour savoir ce qui fonctionne ou non avec leur enfant. Nous avons deux rendez-vous par an minimum, échangeons également par mail ou en présentiel. Ce peut aussi être l’occasion de proposer de l’accompagnement parental si besoin, de parler de la méthode Faber et Mazlish par exemple. Sinon, l’implication en temps n’est pas obligatoire et reste au choix de chacun. J’organise deux samedis dans l’année pour des travaux de peinture et d’entretien des locaux. L’été 2016, les parents m’ont aidée à emménager et préparer les locaux.

Certains parents proposent de l’aide de manière plus récurrente. Ils peuvent aussi s’impliquer dans différents projets comme la découverte des métiers ou des projets d’ouverture au monde extérieur. Nous avons organisé une semaine sur le graphisme et les parents utilisant d’autres alphabets que l’alphabet latin sont venus présenter le leur : laotien, arménien… Quand il y a un sujet sur lesquels ils peuvent intervenir, ils sont sollicités.

Depuis le printemps 2017, les parents ont monté une association : Etinç’ailes, l’asso, qui a pour objectif, à la fois de participer à la vie de l’école (organisation du carnaval, de la fête de l’école, etc) et de permettre à un plus grand nombre d’enfants d’être scolarisés à Etinç’ailes grâce à des recherches de financement.

Y-a-t-il une sélection des élèves ?

La sélection se fait plutôt en fonction des élèves déjà inscrits. Si une classe accueille déjà trois enfants avec des comportements difficiles, je n’en rajoute pas un quatrième. Je ne prends pas non plus les cas de déficience mentale parce qu’il faut être spécialisé et maitriser des outils spécifiques. Ensuite, il faut que je sente que les parents partagent les mêmes valeurs que moi. Ce n’est pas une école élitiste au sens où notre objectif est avant tout le bien-être de l’enfant. Donc les parents qui veulent faire de leurs enfants précoces un petit génie seront déçus ici.

Avez-vous eu des demandes de prise en compte de convictions religieuses ?

Non. Cette école est affichée comme aconfessionnelle et aborde les religions par le prisme culturel. J’accepte que les enfants ne viennent pas à l’école les jours de fête religieuse mais c’est tout. Pour les repas, c’est très souple puisque chaque enfant amène son repas.

Pourquoi avoir choisi le statut d’entreprise ?

Pour deux raisons. La première est purement économique : en tant qu’assimilée fonctionnaire dans le privé sous contrat ayant démissionné pour créer une société, j’avais droit à une prime qui m’a permis de vivre pendant 2 ans. La seconde est purement professionnelle : je porte seule ce projet et ne voulais pas d’un conseil d’administration associatif composé de gens fictifs ou de parents.

Comme le statut associatif ne permet pas d’être à la fois présidente de l’association et rémunérée en tant que directrice de l’école, j’aurais dû être salariée de l’association, donc à la merci d’un licenciement. Cela s’est déjà produit dans d’autres écoles, c’était hors de question ! En parallèle, j’ai rencontré l’entreprenariat par le réseau Entreprendre. C’est un autre monde qui m’a plu. J’ai été lauréate de ce réseau pour mon projet et ai été accompagnée pendant 3 ans par un chef d’entreprise.

Ce côté entreprise se retrouve dans la gestion du personnel enseignant ?

“mon objectif est de rémunérer au mérite et au temps passé.”

Oui, c’est rare mais c’est ma volonté ! Nous avons un entretien annuel, une fiche cible …. Côté rémunération, j’adhère à la convention collective des écoles hors contrat mais mon objectif est de rémunérer au mérite et au temps passé. Que l’investissement et la qualité du travail se répercute sur le salaire, à l’inverse de l’Education nationale !

Bien sûr, quand on devient enseignant, on sait que c’est un métier mal payé avec des taux horaires bas, qu’on ne comptera pas les heures. Mais c’est tout de même rageant d’avoir des rapports d’inspections excellents et aucune valorisation financière. Seule l’ancienneté est prise en compte, peu importe l’investissement ! C’est absurde

Envisagez-vous de passer sous contrat ?

“je veux être libre de mes orientations et du choix de l’équipe pédagogique.”

Absolument pas ! Tout d’abord, comme j’ai démissionné, je suis radiée. Si je veux enseigner dans une école sous-contrat, il me faudrait repasser ce concours. Puis je veux être libre de mes orientations et du choix de l’équipe pédagogique. Beaucoup d’écoles publiques ou du privé sous-contrat ont des projets très intéressants mais, comme elles n’ont pas une totale liberté de constituer leurs équipes, le projet finit par se perdre.

Au départ, j’ai rencontré beaucoup d’enseignants de l’Éducation Nationale qui voulaient essayer d’autres méthodes. En fait, leur discours théoriques sur les pédagogies alternatives, la différenciation de l’enfant, ne passaient pas le test de la mise en pratique : le « je sais, je transmets » revenait au galop. J’ai donc plutôt été séduite par des profils moins formatés mais qui ne sont pas titulaires du concours. L’une a une forte expérience sur l’enfance atypique, puisqu’elle a été directrice de colonie de vacances d’enfants délinquants et Auxiliaire de Vie Scolaire dans des collèges pour enfants atypiques. Une autre est enseignante brésilienne, formée en France à la psychologie clinique. La troisième a elle aussi démissionné de l’Education nationale et, après avoir enseigné dix ans à l’étranger, recherchait une école où enseigner autrement.

De toute manière, tel qu’il est conçu, le concours d’enseignant ne garantit pas du tout la capacité du futur enseignant à prendre en charge une classe et cela m’est d’ailleurs arrivé, en tant que formatrice et tutrice, de refuser de valider des stagiaires qui avaient leur concours mais n’étaient pas prêts à prendre en charge une classe.

Quels enseignements tirez-vous de ces premières années de fonctionnement ?

“Au-delà de l’envie, il faut être bien accompagnée tant au niveau familial que professionnel”

Tout d’abord l’importance d’être accompagnée. J’étais une enseignante de maternelle et maintenant je suis une cheffe d’entreprise ! Arriver là est épuisant et demande de sortir de sa zone de confort. Au-delà de l’envie, il faut être bien accompagnée tant au niveau familial que professionnel. Je suis accompagnée par la fondation Émergence et aussi membre d’un club d’entrepreneurs qui réunit mensuellement 12 entrepreneurs. Nos projets sont différents mais les problématiques de trésorerie, de communication… sont similaires.

Cet accompagnement permet d’anticiper et de développer une vision, notamment financière, de son projet. Il devrait être systématique car bon nombre de projets d’écoles ferment par défaut d’anticipation. Je fais aussi partie d’un réseau de directeurs d’écoles hors contrat pour l’entraide et la réflexion, du réseau Fondation Potentiels & Talents[1] sur le haut potentiel et la précocité, d’un réseau de professionnels autour de l’enfance (psychologues, ergothérapeutes, orthophonistes, médecins…), je vais à diverses conférences comme celles données par l’hôpital Mère-Enfant…

Par ailleurs, avant de chercher des locaux, j’ai rencontré les mairies en amont pour m’assurer de leur accord. C’est très important d’être accueillie et d’avoir de bonnes relations avec les communes et l’inspection académique. Ce n’est pas facile tous les jours mais je ne reviendrai pour rien au monde en arrière. J’ai tellement appris et à apprendre encore. À moyen terme l’idée sera peut-être de dupliquer ce projet !