La carte scolaire : bonne conscience des élites et mépris du peuple

TITRETous les Français majeurs ont le droit de voter. Le suffrage  universel est  fondé  sur l’idée que tous les citoyens sont capables de comprendre  les  enjeux de la  vie politique. C’est le  principe  de  la démocratie. Mais alors, comment expliquer que l’État  juge  incapables ces mêmes citoyens de choisir l’école de leurs propres enfants ? En quoi cela excéderait-il leurs capacités ?  La  carte  scolaire,  que  le gouvernement entend appliquer de la manière la plus stricte possible, n’est rien d’autre, si l’on y songe, que  la manifestation de cette défiance de l’État envers le  peuple, considéré comme un éternel mineur. Si l’on comprend facilement la  mise en  place de la sectorisation scolaire, dans le contexte de la  Reconstruction, on ne peut qu’être perplexe devant son maintien anachronique aujourd’hui. On nous assure qu’elle serait désormais destinée à assurer la « mixité sociale». Mais qui y croit ?

Certainement pas les familles défavorisées qui  se  trouvent  piégées  dans  des établissements publics en faillite  tandis que les « initiés »  la  contournent pour rejoindre les bonnes écoles. Bref, la carte scolaire enferme les enfants des quartiers difficiles et les condamne,  pour une grande part, à l’échec. Les « enfants de prof » et de ceux qui nous gouvernent sont extirpés habilement de ce carcan pour être placés dans les établissements qui fonctionnent. Peut-on supporter  encore longtemps pareille hypocrisie? Qu’on nous comprenne bien : nous ne revendiquons pas la généralisation des passe-droits dans un système en ruine. Nous ne prônons pas le sauve-qui-peut et l’abandon définitif des écoles publiques en faillites à leur triste sort. L’abolition de la carte scolaire ne peut se  concevoir que dans le  cadre d’une réforme d’ensemble fondée sur la liberté totale des établissements. À notre sens, les parents de milieu modeste sont tout à fait capables de choisir une école mais c’est justement l’assistanat d’État, qui détermine et paye à leur place l’école,  qui les déresponsabilise. Si tous  les  parents avaient à choisir l’école de leurs enfants – l’État se contentant de financer sans s’ingérer –, ils seraient obligatoirement conduits à s’impliquer dans leur scolarisation et à voter avec leurs pieds en partant si l’établissement est mauvais.

Pour renouveler nos élites et revivifier la France, supprimons la carte scolaire… et libérons l’école !

Anne Coffinier, directeur général de la Fondation pour l’école