Le hors-contrat, pour redonner le goût de l’école à tous les enfants

Échec scolaire et fracture sociale : non à la double peine pour les enfants en difficulté

Le docteur Edwige Antier, pédiatre et députée, a expérimenté que ce sont bien souvent les écoles indépendantes (hors contrat) qui « sauvent » les enfants qui rencontrent des difficultés dans le cadre scolaire ordinaire. C’est l’un des services que ces écoles différentes rendent à la société – et certainement pas le seul… Encore faut-il que ces écoles soient financièrement accessibles à tous les enfants. Pour éviter toute fracture sociale, pourquoi ne pas envisager un partenariat décomplexé entre le public et le privé ?

En tant que pédiatre, quelle est votre expérience des écoles indépendantes hors contrat ?

Heureusement que nous avons cette possibilité pour certains enfants qui, du fait de leurs particularités cognitives, ne trouvent pas leur place à l’école publique ou sous contrat. J’entends souvent dire pour ces enfants : « Il n’est pas scolaire. » Est-ce à l’enfant d’être fait pour l’école ? Ou à l’école de trouver comment potentialiser les compétences de chaque enfant ? Même si l’Éducation nationale fait des efforts considérables pour personnaliser l’enseignement, il y a des échecs. Une école hors contrat peut alors être temporairement salvatrice.

Notre société a tendance à socialiser les enfants à marche forcée, sans s’adapter à chaque personnalité. Lorsqu’un enfant perturbe la classe, quelle que soit la bonne volonté des enseignants, ils reconnaissent eux-mêmes qu’ils ne peuvent pas gérer cet enfant et qu’il n’y a pas d’autre solution qu’une école hors contrat, où l’on cherchera la cause de ses problèmes de comportement et où l’on adaptera la pédagogie, en dialogue étroit avec la famille. Faute de quoi, on assiste aujourd’hui à une véritable épidémie de « phobie scolaire ».

Il faut bien sûr s’assurer que l’école hors contrat dispense réellement une stratégie éducative conforme à l’intérêt de l’enfant.

Les écoles indépendantes rendent-elles, selon vous, des services à la société ?

Pour ces enfants-là, souvent des « dys », dyslexiques, dysorthographiques, dyspraxiques…, mais aussi pour des enfants souffrant d’un milieu familial perturbé, il n’y a parfois que certains établissements hors contrat qui parviennent à leur redonner le goût d’apprendre et l’estime de soi. Ce peut être aussi un jeune enfant au rythme d’apprentissage plus rapide ou plus lent que les autres, qui a besoin d’une pédagogie Montessori. Ou un enfant précoce, car l’on connaît la sensibilité de ces enfants, qui peut inhiber leurs compétences dans un univers non adapté. Certaines écoles publiques ou sous contrat savent faire, d’autres ignorent ces enfants, qui s’enfoncent dans l’échec scolaire.

En tant que députée, pensez-vous qu’il serait légitime et opportun pour l’État de contribuer au financement des écoles indépendantes au regard des services qu’elles rendent à la société, et même à l’Éducation nationale ?

Lorsque l’équipe pédagogique reconnaît qu’elle n’a pas la solution pour un enfant particulier, il faudrait en effet pouvoir subventionner sa prise en charge dans une école hors contrat dont la pédagogie est estimée nécessaire. Sinon, ce sont les moyens financiers, le niveau de culture et d’implication des parents qui permettent la solution « hors contrat », ce qui aggrave la fracture sociale. L’innovation que permet la liberté du hors-contrat doit être un laboratoire qui serve ensuite au public. Il ne doit y avoir aucune rivalité pour des acteurs dont l’éducation est la passion.

Entretien paru dans Les Chroniques de la Fondation, n° 6, juin 2011.