L’école du Blanc-Mesnil : un établissement hors norme ?

Victime de son succès, l’école du Blanc-Mesnil va déménager à Croix pour avoir plus d’espace. Un reportage de Nord Eclair dans cet établissement qui propose sa propre méthode d’apprentissage.

Sage comme des images ? Pas plus, pas moins qu’ailleurs. Ici, à l’école du Blanc-Mesnil, on ne prétend pas avoir les meilleurs enfants du monde. La directrice, Françoise Candelier, à l’origine de cet établissement, a juste souhaité leur permettre d’apprendre autrement. Et si l’on s’intéresse uniquement aux effectifs on peut dire que l’école rencontre son petit succès : « Nous avons démarré à 25 élèves en 2009. Nous serons 130 à la rentrée prochaine. » Ancienne institutrice en école publique à Tourcoing puis à Roncq, Françoise Candelier a très vite rencontré des difficultés avec les méthodes d’apprentissage proposées par l’Éducation nationale. « J’ai mesuré qu’il y avait un souci de niveau. Les enfants avaient surtout des problèmes en lecture, en dictée et en raisonnement. Ils étaient de plus en plus nombreux à se rendre chez l’orthophoniste. » Et de poursuivre : « Avec des collègues, on a donc proposé à l’inspection académique le programme SLECC – Savoir lire, écrire, compter et calculer. On y retrouvait entre autres la méthode alphabétique au lieu de la semi-globale pour apprendre à lire. L’inspection a accepté sans problème notre demande mais hélas, nous n’étions que quatre enseignants sur huit à être mobilisés. Du coup, d’une classe à l’autre, il y avait des différences et cela manquait sérieusement de cohérence. J’ai déclaré forfait. Je ne voulais pas de tension avec les équipes et ma hiérarchie. » Poussée par cette envie de pouvoir offrir aux enfants d’autres clés de réussite, Françoise Candelier va alors profiter de sa retraite pour créer son école.

« Ce n’était pas évident au début. Il a fallu se battre pour faire comprendre aux gens que nous n’étions ni une école de tradi-catholiques ni de tradi-musulmans ou encore une pompe à fric. D’ailleurs, je voulais m’installer, à la base, dans le quartier de l’Épeule mais je n’ai pas trouvé de lieu. Seul Gérard Vignoble, le maire de Wasquehal, a bien voulu nous accueillir. » Autre bataille : le financement. Comme payer les enseignants ? Comment acheter du matériel ? L’école étant hors contrat – il faut cinq ans d’expérimentation avant d’être reconnu par l’Éducation nationale -, elle n’a pu bénéficier de subventions : « Nous avons des donateurs via la Fondation pour l’école. Mais nos instituteurs doivent tout de même se contenter de peu. Ils sont modestes et humbles. Moi-même, je suis bénévole dans cette école régie par la loi 1901. » Chaque famille apporte aussi sa contribution, soit 150 E par mois sans cantine. « C’est beaucoup mais nous n’avons pas le choix. Mon rêve est vraiment de pouvoir étendre ce projet dans toutes les écoles publiques. Peut-être un jour. Mais attention, je tiens à préciser que l’on ne fait pas non plus de miracle. »

Le retour du tablier

Dans moins d’une heure, la centaine d’enfants investira la salle polyvalente dans laquelle se déroule l’entretien avec cette militante de l’école pour tous. Les petits pique-niques soigneusement préparés par les familles chaque jour sont prêts à être croqués. Mais en attendant 12 h, les élèves parés de leur tablier, de leurs chaussures de ville et coiffés courts (trois obligations de l’école) se concentrent sur leurs devoirs. « Je pense qu’il faut libérer les jeunes enfants, au moins à l’école, de toute cette consommation. Et les parents ne sont pas contre. Porter un tablier permet d’effacer les différences sociales. » Un retour à l’ancienne école ? « Pas vraiment, conclutla directrice. Plutôt une synthèse entre ce qu’il y avait de bon autrefois et ce qu’il y a de bon aujourd’hui.

AURÉLIE JOBARD > aurelie.jobard@nordeclair.fr