La formation des professeurs est-elle aujourd’hui satisfaisante ?
La formation des professeurs est aujourd’hui insuffisante et inadaptée. Les IUFM ne donnaient pas satisfaction. Les ESPE qui les remplacent aggravent le mal. Les élèves-enseignants ont besoin à la fois de solides connaissances disciplinaires et d’une formation pédagogique adaptée au type de classes devant lesquelles ils se retrouveront bientôt. Les ESPE aboutissent à l’inverse. Elles tirent le savoir disciplinaire vers le bas et sont en train, de la volonté même du gouvernement, de prendre la main sur celui-ci, au détriment des Universités. La tendance est à la pluridisciplinarité et à la polyvalence de manière à créer un enseignant formaté et interchangeable, qui permettra à court terme de grosses économies mais qui aura à plus long terme des conséquences catastrophiques sur la richesse de la nation. Les ESPE assènent aux élèves-enseignants un discours pédagogisant qui confine à l’idéologie et qui est le contraire de la vraie pédagogie. De nombreux étudiants qui subissent cette formation en sont catastrophés. Ils en témoignent discrètement car ils craignent d’être sanctionnés. Je tiens à me faire ici leur porte-voix.
Qu’est ce qui pose le plus problème ?
Permettez-moi de répondre en remontant à la source du mal, à savoir ce que l’on apprend aux élèves, pour mieux revenir à la question précise. Le gouvernement a intégré la baisse du niveau scolaire et a choisi de mettre un emplâtre sur une jambe de bois plutôt que de s’attaquer au fond du problème. Le socle commun des compétences (et des connaissances, dit-on maintenant pour essayer de faire taire les inquiétudes) issu du processus de Bologne a tiré l’ensemble de notre système éducatif, qui était déjà en déclin, vers le bas. Il tend à assurer à chaque enfant un bagage minimum, qui se réduit d’ailleurs de réforme en réforme. Il ne cherche pas à élever tous les jeunes en en les amenant au maximum de leurs capacités, en adaptant leur parcours à ces mêmes capacités, en ménageant de vraies passerelles entre les formations. Ce sont pourtant les conditions indispensables du vrai épanouissement individuel de nos jeunes et de leur insertion réussie dans la société et dans le monde professionnel. La formation des enseignants résulte mécaniquement de ces déficiences. Aujourd’hui nous avons très peu de jeunes qui sont attirés par l’enseignement (j’ai vu les amphithéâtres et les salles de cours de CAPES se vider en quinze ans). Beaucoup choisissent cette voie par défaut. Qui plus est, on va leur apprendre principalement à « gérer » une classe pour éviter l’ennui des élèves et gérer des incidents de plus en plus nombreux. On avouera que ce n’est pas très motivant.
Quelle est selon vous la priorité à réformer dans ce domaine ?
La priorité est de rendre la profession enseignante attractive. Il faut replacer le savoir et les savoir-faire au cœur de l’enseignement et donc de la formation. Il faut revaloriser le traitement des enseignants. Il faut aussi que ces derniers soient plus épaulés par leur administration et soutenus par les parents. Il faut également leur faire davantage confiance car ce sont eux les praticiens, les hommes et les femmes de terrain. Il faut enfin mieux récompenser leurs initiatives qui réussissent.
Avez-vous des propositions pour améliorer cette formation ?
Outre le maintien et le renforcement, d’une part, des agrégations destinées aux professeurs de lycées, à ceux des classes préparatoires aux grandes écoles et aux enseignants-chercheurs du supérieur et, d’autre part, des CAPES, CAFEP et CAPET « classiques », nous réclamons le rétablissement des IPES (instituts de préparation aux enseignements du second degré) en les adaptant à notre temps, ainsi que la création d’un équivalent pour le primaire, les IPEP. Ces établissements rassembleront au sein des Universités les élèves-professeurs admis par concours et rémunérés pendant l’ensemble de leur formation qui sera très encadrée et qui s’achèvera par le passage du concours de recrutement, avec dispense ici de certaines épreuves, puis par une année de stage débouchant sur la titularisation. La contrepartie de cette formation d’excellence qui donnera à l’immense majorité de ses bénéficiaires la certitude d’avoir un emploi, sera un engagement au service de l’Etat pour une durée de dix ans, à moins de rembourser la formation ainsi dispensée.