Le blog de la liberté scolaire : Comment définiriez-vous votre projet pédagogique ?
Ludovic de La Tousche : Notre projet pédagogique constitue une partie importante de ce que nous proposons : une conjugaison harmonieuse des soins et d’une scolarité adaptée. Le projet pédagogique repose sur une adaptation très personnalisée à chaque enfant, intégrée aux soins à travers une équipe pluridisciplinaire élargie, en relation étroite avec la famille à laquelle nous reconnaissons volontiers sa place éminente dans les choix de scolarité concernant son enfant. Nous empruntons à beaucoup de pédagogies, dont Montessori bien sûr, mais pas seulement. La diversité et la technicité de notre équipe permet, je crois, d’absorber avec discernement beaucoup de pédagogies et techniques, y compris nord-américaines si besoin, afin de répondre aux besoins de l’enfant pour le faire progresser dans les apprentissages. C’est cet effort constant des enseignants spécialisés, en lien avec l’équipe, pour trouver les voies de progrès de l’enfant qui constitue, peut-être, le cœur de notre pédagogie. C’est du moins, ce que nous essayons de faire. Afin de maintenir cet « idéal », nous avons d’ailleurs cherché à bénéficier de l’accompagnement d’un consultant extérieur, enseignante spécialisée et formatrice reconnue, que la Fondation Jérôme Lejeune a bien voulu nous « prêter ».
Qu’entendez-vous par une scolarité « adaptée à des besoins spécifiques » ?
Les besoins spécifiques de nos enfants sont d’ordres très différents : les difficultés sont telles, liées notamment mais pas uniquement à des difficultés psychologiques, qu’il n’est pas toujours aisé de poser un nom sur la difficulté (“dys” ou pas, par exemple). Ils ont clairement des difficultés majeures pour accéder aux apprentissages.
Une scolarité adaptée aux besoins spécifiques de l’enfant est pour nous une scolarité qui, dans la ligne de ma réponse précédente, part sans cesse de l’enfant pour le faire progresser et s’adapter de façon très dynamique : être capable d’ajuster voire de modifier entièrement, en instantané, ce qu’on avait prévu comme « séance », c’est un défi quotidien pour les enseignants ; mais aussi dans la durée, savoir percevoir des évolutions même petites pour proposer autre chose par exemple. Cela passe par des évaluations très régulières qui permettent d’ajuster ce que nous appelons le projet pédagogique individualisé. Le niveau de chaque enfant est bien sûr très hétérogène, à l’intérieur même d’une matière. La capacité d’attention et donc le temps de scolarisation varient d’un enfant à l’autre. Les outils (pictogrammes ou les phrases imagées issues du PECS, etc.) profitent à certains mais pas à d’autres, et pourtant ils peuvent se retrouver dans la même classe. Une chose à laquelle nous essayons d’être très attentif, c’est le souhait de la famille et le besoin de l’enfant en ce qui concerne le lieu de scolarisation : cela va-t-il se passer en interne ou au moins partiellement en externe, en milieu dit « ordinaire ». En cas de scolarité partagée, débute alors une concertation à trois voix : la famille, notre institut et l’école, via l’enseignant référent appartenant à l’Education Nationale, pour ajuster cette articulation au plus près du besoin, du souhait et du possible.
Même si cette adaptation à l’enfant est première, il va de soi que l’on peut repérer des besoins « moins spécifiques », si j’ose dire : cela nous permet de mettre en place des stratégies pédagogiques globales qui profitent à tous (elles pourraient même sans doute profiter aux élèves dits ordinaires). Les classes, avec un effectif réduit de 3 à 10, avec ou sans soutien d’un éducateur, sont bien sûr très « contenantes » et compartimentées. Nous avons recours comme beaucoup d’autres aux images-repères, en particulier pour le service spécialisé TED (troubles envahissants du développement) mais aussi, ponctuellement, à des claustras (petites cloisons en bois absorbant le son) entre certains bureaux d’élèves afin de favoriser leur concentration. Et bien d’autres choses, bien sûr.
Le défi avec tout cela, c’est sûrement de ne pas se perdre dans la technicité pour rester au plus près de l’enfant qui doit avant toute chose se sentir bien en classe et progresser à son rythme, avec une ambition raisonnable. [Nous avons réalisé l’an dernier une petite enquête « artisanale » auprès des familles en proposant de classer 6 objectifs de la scolarité. L’objectif était surtout de situer la place qu’elles allaient donner au retour en scolarité ordinaire. La première chose qu’attendaient les familles c’était que leur enfant « soit bien à l’école » et « qu’il apprenne à lire, écrire et compter ». Arrivaient derrière (ce qui ne veut pas dire que ce soit à négliger bien sûr) : la découverte du monde, le retour dans une école ordinaire ou se réconcilier avec l’école].
Est-il facile pour une famille d’obtenir une place dans un établissement spécialisé comme le vôtre ?
Scolariser un enfant aujourd’hui relève encore du parcours du combattant. Les places sont rares en établissement spécialisé (des familles attendent plusieurs années). Les prestations (soins et scolarité) sont souvent morcelées, tant pour l’enfant que pour les familles ; ce qui pose des difficultés de concertation voire d’harmonisation dans les stratégies employées, mais aussi tout simplement d’organisation de la vie quotidienne pour les familles. Les scolarités en milieu dit ordinaire (à l’école du village ou du quartier) ne sont pas forcément les plus adaptées (elles peuvent l’être, bien sûr), malgré les efforts méritoires des enseignants, même si l’on peut comprendre et mettre en œuvre le souhait des familles de voir leur enfant scolarisé comme les autres, ou au plus près de chez eux. Il est important que des établissements spécialisés s’ouvrent et développent leur proposition pédagogique. Peut-être faut-il rechercher à libérer les initiatives dans ce domaine et que des fonds puissent les soutenir.
Plus d’informations sur le site : http://legenevrier.fr/