Portait de créateur d’école (2) : Deux orthophonistes et un professeur des écoles unissent leurs compétences pour accueillir des enfants en difficulté

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Quelle est la genèse de votre projet d’école ?

Notre projet, « Les Hirondelles », mûrit depuis de très nombreuses années à partir des discussions nourries entre deux d’entre nous, qui sommes sœurs et professionnelles de l’éducation. L’école se situera à Irigny dans le Rhône, village de 9000 habitants tout près de Lyon. C’est notre petite école où nous avons passé notre enfance qui nous a attirées ! Comme les hirondelles, nous revenons, fidèles.

Les hirondelles

Joie, bienveillance, sérénité, confiance, dialogue, implication, rigueur, respect, autonomie sont les mots clés de ce projet d’école.

Le projet consiste en la scolarisation et à l’instruction d’enfants de cycle élémentaire, l’organisation d’une bibliothèque ayant vocation à prêter des livres spécialisés dans le domaine des apprentissages, ainsi que l’organisation d’ateliers culturels et éducatifs. Nous souhaitons remédier aux lacunes que nous constatons chacune dans notre profession respective, pour permettre à l’école de revenir à sa mission première qui est l’instruction : lire, écrire, compter.

Les orthophonistes parmi nous déplorent des temps de prise en charge trop morcelés, avec des emplois du temps chargés pour des enfants déjà bien sollicités, un manque de cohérence des méthodes employées à l’école et en rééducation. Le professeur des écoles souffre de pédagogies parfois inappropriées (ex : méthode de lecture), du temps perdu pour des activités qui se rajoutent à un programme souvent ‘fourre-tout’, un travail d’équipe inexistant, d’un groupe classe trop important…Nous voulons donc que notre école remédie à cela et trouve des solutions pour tous les élèves qui nous serons confiés. Utiliser nos recherches, nos formations, notre expérience en pédagogie, en didactique pour que tous progressent dans la maitrise de la langue parlée et écrite et dans les matières fondamentales indispensables au développement de la personne. En partant des compétences de chacun, en nous adaptant à chacun, en prenant du temps, en allant  plus loin dans ce qui est possible. Nous impliquerons les parents qui ont fait le choix de cette école dans cette dynamique. Nous leur donnerons du temps et attendrons d’eux qu’ils aident leurs enfants à progresser.

Qui accueillerez-vous dans votre école ?

Nous y accueillerons des élèves en âge de l’école élémentaire en classe unique. Les professeurs seront les fondatrices du projet (un professeur des écoles  et deux orthophonistes) qui se répartiront le temps scolaire. Cette équipe pédagogique établira un plan de travail pour chacun des élèves en suivant sa progression, son rythme, et en mettant à sa disposition les outils dont il a besoin.

Nous pensons accueillir une douzaine d’enfants parmi lesquels :
• Des enfants qui suivent une prise en charge lourde en orthophonie pour qui le pôle “paramédical” intégré allègera les journées des enfants (et des parents).
• Des enfants qui auraient besoin d’aller plus vite et plus loin dans les apprentissages et qui finissent par désinvestir l’école car elle ne répond pas à leurs attentes, leur curiosité…
• Des enfants qui ont besoin de plus de temps pour reprendre les bases en lecture, écriture, mathématiques.
• Des enfants qui ont une difficulté à entrer dans les apprentissages proposés à un groupe classe, qui doivent s’entrainer aux techniques d’attention et de mémorisation.
• Des enfants qui ont une scolarité “en pointillé” à cause d’hospitalisations fréquentes.

Qu’est ce que le stage des créateurs d’école organisé par la Fondation pour l’école et Créer son école vous a appris de plus ?

Nous avons tout d’abord été ravies de découvrir une telle diversité de projets. Les rencontres  et échanges avec les participants ont été riches et les intervenants furent d’une grande qualité. Le stage arrivait à point nommé : nous avions déjà abordé de nombreux domaines que nous avons pu bien approfondir. Les cours sur le droit social et la Qualité étaient cependant nouveaux et donc particulièrement enrichissants pour nous.

Et quelles difficultés vous pensez rencontrer et en quoi le stage peut-il vous aider à les surmonter?

Nous n’avons pas encore réalisé de plan de financement, repoussant toujours l’échéance. Le stage nous a incitées à accélérer nos démarches (prise de rendez-vous avec un expert-comptable).
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Pour en savoir plus sur le parcours des fondateurs, et leurs motivations :

Marie Agnès, orthophoniste :

“Mon attirance innée pour les mots, une certaine curiosité à découvrir et comprendre le genre humain, un goût pour la logique et la résolution de problème, un attrait pour les sciences et le milieu des soignants ; puis à partir du lycée quelques années à faire du soutien scolaire et participer bénévolement à l’animation dans un hôpital de rééducation. Et parallèlement, des années de scoutisme, en tant que guide d’abord puis cheftaine, avec un idéal, des expériences et des rencontres qui ont certainement marqué mon chemin et influencé mon parcours personnel et professionnel… Tout ceci m’a conduite aux études puis au métier d’orthophoniste. L’orthophonie, discipline riche car au carrefour de multiples autres disciplines. J’exerce en cabinet libéral depuis 25 ans, au contact de patients avec pathologies variées. J’ai approfondi ma formation initiale, notamment dans le domaine des apprentissages.

Et puis, dans mon parcours il y a bien sûr ma vie de maman de quatre garçons et l’expérience du système scolaire à travers eux. Des enfants qui étaient, et sont encore pour les plus jeunes, particulièrement moroses le dimanche soir à l’idée de retourner à l’école. J’ai souvent  été  amenée à m’interroger sur les lacunes et le dysfonctionnement du système scolaire qu’ils fréquentaient, le manque d’épanouissement personnel qu’ils en retiraient.

Au cours de mon activité professionnelle, je rencontre souvent des enfants en souffrance scolaires pour différentes raisons (des rythmes d’apprentissage inadaptés, une méthode de lecture qui n’est pas structurée, une estime de soi dégradée par manque de réussites etc.) J’ai écouté des parents démunis, parfois effondrés, m’expliquant combien les difficultés de leur enfant retentissaient sur toute la vie familiale.

Je souffre également d’une certaine frustration et insatisfaction de ne pas pouvoir mieux aider ces patients : temps de séance limité, incohérence entre les méthodes utilisées au cabinet et celles employées à l’école, enfants fatigués après des journées très chargées et qui doivent encore être efficace pour leurs séances ! Bref, je suis persuadée qu’on peut faire mieux !

Il y a un an, nous apprenons que la petite école de notre enfance est vide et inutilisée. Nous la visitons et nos rêves enfouis sont réactivés.

Quelques clics sur internet et nous découvrons le site « créer son école » et là tout semble possible : on nous livre un mode d’emploi, je passe du temps à lire et relire la planification des démarches. Notre décision est prise. C’est le début de l’aventure…notre rêve deviendra réalité. L’idée devient projet.

Avec son énergie habituelle, Myriam – mon associée depuis 10 ans au cabinet – n’hésite pas à nous rejoindre et se lancer avec nous.

J’ai d’abord passé beaucoup d’énergie à essayer de lutter contre certaines méthodes (de lecture notamment …mon cheval de bataille !), à sensibiliser certains enseignants… maintenant j’ai envie d’utiliser mon énergie pour construire autre chose, sans pour autant abandonner le formidable métier d’orthophoniste.

Parcours de Myriam, orthophoniste

Je suis orthophoniste en libéral depuis 11 ans. J’ai toujours été sensible à l’éducation et à l’enseignement. Mes origines allemandes contribuent à ces réflexions : le système éducatif allemand est très différent du nôtre. En primaire les enseignants démarrent avec une classe de CP et enseigne à ce “groupe classe” jusqu’au CM2. Ainsi l’enseignant connaît ses élèves, peut s’adapter et personnaliser la pédagogie (il y a très peu de redoublement, pas de cloisonnement…)

Dans ma pratique professionnelle, j’ai parfois le sentiment d’être une goutte d’eau dans un océan car prendre en charge un patient une demi-heure par semaine me semble dans certains cas insuffisant. Les enseignants avec lesquels j’échange me font souvent part de leurs difficultés : ils ne peuvent pas s’adapter à tous les enfants pour leur proposer un travail spécifique. Malheureusement nous sommes souvent en désaccord avec les méthodes utilisées (surtout pour les méthodes de lecture et la façon d’aborder le nombre : peu de manipulation contre beaucoup de fichiers…)

L’objectif de ce projet est donc d’allier les compétences orthophoniques à celles des enseignants afin de proposer un travail personnalisé et adapté à chaque élève avec des méthodes qui sont performantes

Parcours de Claire, professeur des écoles

Après mon Baccalauréat, section Scientifique, j’ai obtenu le certificat de psychopédagogie. Ensuite, je me suis présentée au concours de recrutement du CFP de l’Oratoire. Pendant les deux années de formation théorique et pratique, je me suis aussi formée à la méthode du Père Faure. J’ai été institutrice dans une école primaire où j’ai créé une petite structure pour les enfants de 2 ans. Cette petite classe (12 enfants) était rattachée à la classe des petits mais permettait aux enfants d’avoir des activités et un rythme tout à fait adaptés à leur âge et une présence maternelle très soutenue (avec une aide maternelle que j’ai formée). J’ai également été directrice pendant un an de cette école pour remplacer ma collègue en congé parental.

Durant ce parcours, je me suis beaucoup investie pour ma classe et beaucoup agacée de ne pouvoir travailler davantage avec mes collègues. Quand j’avais un souci avec un de mes élèves, ma sœur orthophoniste m’a donné de précieux conseils et compléments d’analyse pour me permettre d’avancer et d’aider les parents. Nous nous sommes souvent dit : “Ah ! Quand nous aurons Notre école !!”