Le début d’un autre petit scandale pour l’Education Nationale ? En tous cas une autre goutte d’eau qui s’ajoute aux précédentes. Pour être admissible au concours des enseignants cette année, un 4/20 suffit… Plutôt alarmant car si les profs sont mauvais, comment seront leurs élèves ?
Le scandale est de taille. Les concours de recrutement de la fonction publique ont pour fonction de garantir un niveau, une excellence tout en empêchant le favoritisme et la cooptation dans le recrutement. Avoir son agrégation, son CAPES ou même faire l’école normale des instituteurs était un gage de niveau académique même si cela ne disait pas grand-chose sur les talents de pédagogue et le charisme de ces professeurs titulaires.
Et les écoles libres ?
Par comparaison, les écoles entièrement libres qui recrutaient sans concours sur des critères variant d’un directeur à l’autre offraient moins de garantie de qualité scientifique des professeurs. C’était un point faible des écoles libres, ou du moins un point qui inquiétait. On pouvait avoir un professeur d’exception comme un professeur mauvais. C’est pour cela que la Fondation pour l’école a créé l’ILFM (l’Institut Libre de Formation des Maîtres), pour garantir par son concours de recrutement et l’exigence académique de sa formation et de ses examens finaux un niveau académique élevé. Pour aller plus loin, renouant avec la tradition des écoles normales pré-IUFM (Institut Universitaire de Formation des Maîtres), l’ILFM a en plus fait le choix de donner un grand poids à la formation pratique dans les classes. Car si le concours peut garantir un niveau académique, il ne peut pas garantir un savoir-faire pédagogique et un charisme éducatif. Cela ne peut s’apprendre et s’évaluer que sur le terrain, dans différentes écoles, auprès de maîtres chevronnés et désireux de transmettre leur savoir-faire.
L’Education Nationale a toujours péché en ce domaine car sa forte syndicalisation et la gestion de ses ressources humaines ne lui permettent pas d’identifier les professeurs les meilleurs pédagogues et de leur confier des responsabilités spécifiques dans la formation de la relève. Les IUFM étaient peuplés de professeurs n’ayant quasiment jamais vu d’élèves en chair et en os, de pédagogues en chambre, théoriciens d’idéologies pédagogiques déstabilisant les jeunes professeurs en formation. Cette réalité a été largement dénoncée notamment par le livre de Rachel Boutonnet, Journal d’une institutrice clandestine (Editions Ramsay), sans que l’Education Nationale n’ait pour autant changé son mode de formation de professeurs. Et l’enseignement privé sous-contrat ne fait pas différemment.
Deux explications.
A cela j’ajoute depuis quelques années un nouveau problème. Les concours de recrutement publics ont perdu toute signification. Avoir son CRPE (Concours de Recrutement des Professeurs des Ecoles) ou son CAPES ou CAFEP ne garantit plus la possession de connaissances académiques solides. En effet, comme le relève l’Express, dans son article paru le 19 juillet dernier sur sa version en ligne, certains lauréats des concours ont été recrutés avec 4 ou 5 de moyenne.
La raison ? Elle est ancienne : la formation des maîtres est quasi inexistante au niveau scientifique et disciplinaire alors qu’il faudrait les préparer dans toutes les matières qu’ils auront à enseigner ainsi qu’en culture générale. Et Vincent Peillon aggrave de lui-même ce problème avec la volonté qu’il a de recruter plusieurs milliers de profs à tout prix pour tenir sa promesse qui, dans l’état du marché constitué par un faible nombre de vocations enseignantes, conduit à recruter des personnes qui n’ont pas le niveau. On recrute des profs de maths qui ont eu 4 en maths, des instituteurs qui sont nuls en orthographe etc… Et encore, l’éducation nationale laisse chaque année des milliers de postes vacants n’osant pas recruter en dessous de 4 de moyenne ! On ne peut que les comprendre sur ce point et partager leurs craintes…
Quelle conclusion en tirer ?
C’est la mort des concours de l’enseignement et de la garantie de qualité scientifique qu’ils offraient. Les titulaires des concours ont la garantie de l’emploi grâce à leur statut de fonctionnaire pour l’école publique et d’agent public pour l’école privée sous contrat, mais les parents n’auront pas la garantie qu’ils seront compétents et que leurs enfants seront bien instruits. Ce qui veut dire que l’on donne des postes à vie à des personnes qui sont incompétentes et qui vont enseigner toute leur vie à vos enfants sans pouvoir être éloignés de la profession grâce ou plutôt à cause de leur poste de titulaire.
Bref, une belle bombe à retardement.
Face à cela, les écoles indépendantes recrutent des profils différents. Soit des personnes ayant une formation académique et une vie professionnelle garantissant leurs connaissances disciplinaires ; soit des personnes qui se sont formées à l’ILFM pour le primaire ou dans les instituts concurrents comme le centre André Neher pour les écoles juives par exemple. Mais au-delà du niveau académique des enseignants des écoles libres, les parents y sont très attentifs à la qualité de l’enseignement. Ils ne tolèreraient pas que le niveau académique soit vacillant. Et c’est la garantie d’un système qui s’auto-discipline et fait ses preuves, les parents jouant leur rôle de premier éducateur et contrôlant l’apprentissage de leurs enfants. Parallèlement, le directeur d’établissement a les moyens de gérer son équipe éducative comme il lui semble. A lui donc la charge de recruter de bons enseignants pour satisfaire toujours plus ces parents exigeants pour leurs enfants.
Anne Coffinier, directrice générale de la Fondation pour l’école.