Rentrée scolaire : pourquoi il est urgent de libéraliser l’école

Capture d’écran 2015-09-03 à 11.31.23En Grande-Bretagne, 60% des écoles secondaires sont indépendantes mais financées par l’Etat.Près de 850 000 professeurs font leur rentrée le 31 août, avant que les 12 millions d’élèves fassent la leur le 1er septembre. Si la future réforme prévoit davantage d’autonomie pour les collèges, nous sommes très loin de ce qu’il faudrait faire pour améliorer la situation et les résultats de l’Education nationale.

Cette année, la rentrée scolaire s’est faite par la droite. Alain Juppé et François Fillon ont investi ce champ de bataille fin août, (…). Si tous plaident pour une plus grande autonomie des professeurs et des établissements scolaires, c’est François Fillon qui va le plus loin. « Je propose de libérer l’enseignement privé des contraintes imposées à son développement », a ainsi déclaré l’ex-Premier ministre le 26 août, dans son discours de Rouez-en-Champagne. (…). De l’école au lycée, plus de 2 millions d’enfants (soit 17 % du total) vont rentrer le 1er septembre dans des établissements privés, dont 90 % sont catholiques. Et la place manque : entre 5  000 et 15 000 élèves restent à la porte de ces écoles. ».

Depuis 1985, il existe en effet un accord non écrit qui prévoit d’affecter à l’enseignement privé 20 % du budget de l’Education nationale. Après les grandes manifestations de 1984 pour l’école libre, cette répartition, qui correspond grosso modo au nombre d’élèves scolarisés dans le privé, a été actée par Jean-Pierre Chevènement. (…) Si 50 % des parents ont fait faire toute la scolarité de leurs enfants dans le public, alors que 5 % seulement les envoient dans le privé, 45 % utilisent le privé ou public pour un membre au moins de leur progéniture.

Face aux résultats médiocres de l’Education nationale et à la saturation des établissements catholiques, ce sont les écoles hors contrat qui se développent. « En 2014, 51 écoles hors contrat ont été créées, et cette année je pense qu’il y en aura encore davantage, estime Lionel Devic, président de la Fondation pour l’Ecole, qui prodigue conseils et formations à ceux qui veulent créer ce type d’établissement. Les écoles Montessori constituent le plus gros de l’augmentation. » Cette pédagogie a de nouveau le vent en poupe. En septembre 2014, les magasins Nature et Découverte se sont même mis à vendre du matériel Montessori de la naissance à 6 ans… Les écoles musulmanes se multiplient aussi, mais ne comptent parfois pas plus de quinze élèves, faute de moyens. Seuls 3 000 élèves seraient aujourd’hui scolarisés dans ces établissements, dont deux seulement sont sous contrat. Cette galaxie d’écoles qui vit en marge de l’Education nationale reste tout à fait marginale : 60 000 élèves, du primaire au baccalauréat, y sont recensés.

«Free  schools». Il semble pourtant évident que l’une des solutions à la massification de l’enseignement et à l’hétérogénéité des élèves passe par l’introduction de la souplesse dans l’éducation, afin de personnaliser au mieux les établissements et les enseignements.(…) « Il suffirait pourtant de regarder ce qui se passe outre-Manche, où 60 % des écoles secondaires ont désormais le statut d’“Academies” ou de “Free Schools”, rappelle Lionel Devic. Les premières sont des écoles publiques, les secondes sont privées ; les deux sont indépendantes et financées par l’Etat. » Par rapport aux écoles publiques ordinaires gérées par l’autorité académique locale, les « Academies » sont libres de fixer leur programme, qui doit rester large et équilibré, et de recruter et de rémunérer les professeurs comme elles l’entendent. « Ellles ont été ouvertes en septembree 2002 dans les quartiers ayant de mauvais résultats académiques, puis étendues à tous les types d’établissement à partir de 2010 » explique Lionel Devic. A cela se sont rajoutées les « Free schools », ouvertes à partir de 2011.

En France, l’un des plus ardents promoteurs de ce type d’écoles est Eric Mestrallet, président de la Fondation Espérance banlieues, qui accompagne et finance des établissements hors contrat. « Après Montfermeil et Marseille, nous ouvrons cette année à Asnières et Roubaix. Dans toutes les villes où il y a des quartiers difficiles, les maires nous demandent de créer des écoles », affirme-t-il. Un développement qui restera forcément fragile tant qu’il dépendra du bon vouloir (et de la déduction fiscale liée au financement des fondations) des mécènes privés. Eric Mestrallet souhaiterait donc bénéficier des financements des collectivités locales ou du ministère de la Ville. « Je ne suis pas du tout hostile à des modes de régulation et à un pilotage publics, à condition qu’ils ne nuisent pas aux conditions de notre succès. Qu’on ait des comptes à rendre, oui, mais laissons les gens libres et reconnaissons leur talent sur le terrain », explique-t-il. L’Education Nationale devrait davantage faire confiance aux enseignants. Ceux qui nous gouvernent, eux, doivent admettre que la liberté peut elle aussi bénéficier d’un financement public.

Irène Inchauspé

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