L’étude par thèmes participe de la vaste déconstruction en cours de la nation française.
Pour passionner les jeunes Français au passé de leur pays, rien de tel que de revenir à l’enseignement chronologique de l’histoire de France. C’est à cette condition qu’ils redécouvriront le génie de leur nation.
L’histoire instrumentalisée à des fins idéologiques
Depuis des décennies, les gourous de l’Éducation nationale ont décidé d’enseigner l’histoire à nos enfants d’après des « matières thématiques » au détriment de la chronologie des événements. C’est ainsi que les élèves ont été confrontés à des sujets d’étude universitaires avant même de savoir maîtriser le français…
Courbes, statistiques, tableaux, documents administratifs : qui peut se passionner longtemps pour des objets d’enseignement aussi desséchants ? Ou bien le professeur comparera la royauté capétienne avec une dynastie africaine en survolant allégrement les siècles et les continents… Dans ce cas, l’arrière-pensée idéologique se lit comme un palimpseste dans le projet pédagogique cousu de fil blanc. L’histoire de France devient dès lors un simple prétexte pour formater subliminalement les cerveaux juvéniles dans le « sens de l’histoire »…
Les objections à l’enseignement chronologique sont toujours les mêmes : il s’agirait désormais de façonner des citoyens du monde, d’ouvrir les esprits, d’éviter le repli sur soi, de « sensibiliser » les jeunes aux autres cultures, de leur faire comprendre que la France s’est construite avec des apports extérieurs, ainsi que le débite religieusement le professeur au Collège de France Patrick Boucheron, grand pourfendeur de l’histoire identitaire avec son Histoire mondiale de la France (2017). Mais qui est dupe d’une telle entreprise et ne perçoit pas dans cette rhétorique la marque d’une idéologie multiculturaliste ?
Surtout, cette histoire thématique est trop abstraite pour intéresser les jeunes. Quant à l’enseignement de l’histoire de France au travers du prime des problématiques actuelles (sexisme, racisme, colonialisme, esclavage), ses visées sont trop grossières pour pouvoir passer en contrebande bien longtemps. Visées malhonnêtes aussi parce que cet enseignement orienté fait peser tout le poids de la charge sur l’Occident, alors que toutes les civilisations ont été colonisatrices, esclavagistes, sexistes, patriarcales. À l’escroquerie intellectuelle se joint une partialité née du ressentiment et d’une volonté d’en découdre avec le passé qui sont tout sauf scientifiques.
Se situer dans le temps
Les raisons d’en revenir à une histoire chronologique sont nombreuses. La première réside dans la facilité qu’elle offre aux jeunes de se situer dans le temps. Le présentisme actuel (le fait de ne plus vivre que dans l’instant présent et d’avoir perdu la notion de l’épaisseur historique des êtres et des choses) n’est pas propice à développer en eux la conscience de leur appartenance à un devenir qui court sur des siècles. Résultat : les jeunes Français ignorent d’où ils viennent et par conséquence qui ils sont. Pire, le magistère du « politiquement correct » leur fait un crime de cultiver leur identité, comme si le nec plus ultra du progrès résidait dans une existence d’ectoplasme sans racine ni attachement charnel à une patrie et à ses mœurs et dans l’élan de se faire hara-kiri afin de laisser toute place à l’Autre…
Face à ce rouleau compresseur débilitant et annihilateur, le retour en grâce de l’histoire chronologique permettrait aux élèves de se situer dans une continuité historique de destinée, de renouer avec le sens de la profondeur temporelle de leur pays, de leur apprendre qu’ils sont les enfants d’une généalogie et non les fruits d’une génération spontanée. Les jeunes Français, en situant saint Louis et Louis XVI dans le temps, n’auraient aucune chance de les confondre. La confusion dans les esprits commence en effet par celle des représentations du passé. De plus, un récit chronologique favorise l’intelligibilité de l’histoire. À l’inverse, son étude par « thèmes » brouille les cartes, atomise le devenir et finalement ne donne plus les moyens de faire la différence entre Charlemagne, Napoléon et Hitler…
Mieux comprendre la genèse et la spécificité de la France
L’histoire chronologique, en inscrivant notre époque dans une succession temporelle d’événements et de grands hommes, aide l’élève à se réapproprier le récit national. Il comprend mieux de la sorte le génie français. Car la France n’a pas été créée par les principes abstraits de 1789 et ne se réduit pas aux « valeurs de la République ».
Elle vient de plus loin : de la colonisation romaine, de la conversion de Clovis, du génie unificateur de Charlemagne, de la patience capétienne à « agrandir le pré carré » du domaine royal. Le récit chronologique dresse ainsi le panorama d’un pays qui s’est construit par la volonté de monarques successifs. La France est une œuvre politique avant d’être une « ethnie » ou une « race ».
Or, cette spécificité, seul le déroulé des événements permet de l’appréhender.
Cultiver la mémoire et la curiosité
De plus, l’histoire chronologique suscite davantage la curiosité qu’une histoire thématique abstraite. Il est plus ludique d’apprendre les batailles, les hauts faits d’un règne, les intrigues de cour que les tableaux de statistiques ! Les tableaux, les chiffres, les courbes, les termes abstraits, ça ne se retient pas. La mémoire se construit, se cultive avec des hommes, des récits, des passions, des amours, des renversements de situation, des volontés, des grands hommes. Comment comprendre la détestation dont Marie-Antoinette fut l’objet si on n’a pas appris que la lutte contre la maison d’Autriche a été l’invariant de la politique étrangère de la France depuis Richelieu avant d’être remise en cause sous Louis XV ?
De plus, l’élève est assez grand pour se rendre compte que la guerre au Moyen-Âge ou à la Renaissance, du temps de François 1er, est différente de celle des Temps Modernes, celle de 14-18 ou de 39-45. Au rebours de ce que pensent les pédagogistes, la chronologie n’abolit pas l’intelligence… Elle donne au contraire la possibilité de mieux appréhender l’évolution des mœurs, des pratiques politiques, de la guerre et de la paix. Par contraste, l’étude par thèmes brouille les repères et fait tout mélanger en n’orientant plus ni dans le temps ni dans l’espace.
Un signe du nihilisme contemporain
Enfin, le rejet de l’histoire chronologique est un signe – parmi d’autres – de la prégnance du nihilisme dans les esprits. Les grands hommes, les grands événements, les grandes découvertes, les grands desseins poursuivis par-delà les générations, tout cela est passé par-dessus bord. Seules subsistent dans le récit les vilenies, les atrocités et la domination de l’Occident honni. D’après les nouveaux maîtres de l’histoire, la nôtre est soit criminelle, soit aussi triviale qu’un livre de comptes. Dans tous les cas, ne surnage plus que le rien, le sordide ou le mal. Il est temps d’en finir avec cette histoire-repentance et de renouer avec la trame des événements et des grands hommes dont nous n’avons pas à rougir, sans faire l’impasse toutefois sur les ombres ni la condition précaire des classes populaires.
L’intelligence collective aura tout à gagner à ces retrouvailles avec notre génie. Nous devons bien cela à nos enfants, hypnotisés par leurs Iphones et qui se demandent ce qu’ils ont en commun les uns avec les autres, hormis leur addiction numérique… La France ne s’est pas faite en un jour. Le récit chronologique de notre roman national, loin d’être un bourrage de crâne ou une entreprise de franchouillardise étroite et obtuse, constitue au contraire la meilleure initiation au génie français. Car le génie, que ce soit celui des individus ou des nations, se développe toujours avec le temps, dans la durée. Et comment les jeunes en prendraient-ils conscience si l’enseignement de l’histoire leur occulte la dimension temporelle de celui de notre nation ?