L’OCDE publie ce lundi un rapport sur « les politiques efficaces pour les enseignants ». L’autonomie de recrutement des établissements scolaires et la formation des enseignants sont les clefs de la « performance », selon elle.
Comment réduire les inégalités scolaires dans un pays comme la France, championne en la matière ? L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publie ce lundi un rapport fondé sur des données de l’enquête internationale Pisa, pour des lycéens âgés de quinze ans. Elle a comparé les résultats obtenus dans le quart des lycées les plus favorisés socialement au quart des établissements les plus défavorisés socialement (dont une majorité de lycées professionnels).
A contre-courant
Les pays qui ont le plus progressé entre 2006 et 2015 dans Pisa l’ont fait en donnant davantage de responsabilités aux établissements pour recruter les enseignants et pour fixer leur niveau de salaire, affirme l’OCDE : les résultats des élèves s’y sont améliorés et les inégalités s’y sont réduites.
« On va à l’encontre d’un discours selon lequel l’autonomie des établissements pourrait amener à moins d’équité, admet Noémie Le Donné, analyste et coauteure du rapport. C’est l’inverse qui en ressort, à savoir que l’autonomie de recrutement sert l’équité. Un chef d’établissement d’un lycée défavorisé va lui-même chercher à rendre son établissement attractif en proposant un accompagnement à l’enseignant, avec des dispositifs pour le soutenir, et un salaire plus élevé. »
Son coauteur, Francesco Avvisati, précise que l’autonomie accrue conjuguée avec le fait de rendre publics des indicateurs de valeur ajoutée des établissements renforce encore cette « performance ».
La Suède, un contre-exemple
Une étude menée par le service statistique du ministère français de l’Education nationale (DEPP) en 2016 établissait pourtant un lien entre autonomie des établissements et baisse des résultats des élèves. La Suède, qui est allée très loin dans cette autonomie, a vu les résultats de ses élèves « baisser sensiblement » dans Pisa, selon cette étude.
« La mise en place de l’autonomie doit s’accompagner de correctifs importants pour éviter des effets pervers », rétorque Francesco Avvisati, en évoquant l’importance d’une « forte péréquation » des ressources (formations pour les enseignants, personnels supplémentaires pour l’orientation, etc.). Alors que la Suède a, selon lui, manqué de moyens et a expérimenté une autonomie qui ne s’est pas limitée à la gestion budgétaire et humaine, mais comprenait aussi la définition des programmes scolaires.
La taille des classes
Noémie Le Donné cite en exemple l’Allemagne et le Portugal, où les établissements autonomes recrutent des enseignants sur profil. C’est l’autre conclusion du rapport : la qualité des professeurs est au coeur de la réussite. Et non pas la taille des classes, trop souvent utilisée, en France comme ailleurs, pour « compenser » les difficultés des établissements situés en éducation prioritaire (qui se retrouvent avec une moyenne de 25 élèves par classe, contre 33 dans les établissements les plus favorisés).
Francesco Avvisati va plus loin en affirmant que « les classes à taille réduite dégradent le niveau moyen d’expérience, car elles amènent à embaucher plus de contractuels pour faire face au besoin plus important d’enseignants ». En France, les lycées professionnels souffrent ainsi d’enseignants moins qualifiés : seuls 19 % des enseignants y sont certifiés et agrégés, contre 90 % dans les lycées les plus favorisés.
Bien former les enseignants
Il faut que les établissements recrutent les meilleurs professeurs et surtout les profils dont ils ont besoin, plaide l’OCDE. Pour que les enseignants tirent les élèves vers le haut, il faut aussi bien les former et les doter, durant leur formation initiale, d’une « expérience pratique longue » face à la salle de classe, d’une formation continue qui réponde aux besoins spécifiques de l’établissement et d’évaluations connectées à la formation continue, et non à l’évolution de carrière ou à des mesures disciplinaires.
L’OCDE plaide pour mettre les enseignants les plus expérimentés dans les lycées les plus défavorisés. Les attirer par des primes intéressantes peut fonctionner, indique-t-elle, en citant l’exemple de la Caroline du Nord (Etats-Unis), où ce système a permis d’attirer les enseignants les plus expérimentés et d’augmenter la réussite des élèves les plus défavorisés.
CHIFFRES CLEFS
En France, en 2015, 12 % des élèves de quinze ans des lycées favorisés avaient des enseignants qui n’étaient pas assez bien préparés pour faire cours, selon les déclarations des chefs d’établissement. C’était 32 %, soit près de trois fois plus dans les lycées défavorisés. En moyenne, dans l’OCDE, l’écart n’atteint que 7 points de pourcentage.
34 % des élèves de quinze ans en France sont scolarisés dans des établissements qui ont une responsabilité importante dans le choix des enseignants à recruter (l’étude porte sur les lycées publics et privés sous contrat), contre 74 % des élèves dans la moyenne de l’OCDE.
(Chiffres : en France, en 2015)