Éric de Labarre affirme : « Nous sommes à la recherche d’un accord avec le ministère. Nous souhaitons qu’il exprime officiellement sa volonté que le privé entre dans la réforme, sous la forme d’un protocole ou d’une déclaration commune. » « Juridiquement parlant, les écoles privées n’y sont pas tenues, puisque le décret du 24 janvier 2013 sur l’organisation du temps scolaire ne mentionne que les écoles primaires publiques », commente, non sans ironie, le journal Le Monde du 26 février. La liberté de l’organisation du temps scolaire fait justement partie intégrante du fameux « caractère propre » dans lequel subsistent la singularité et la liberté des établissements privés par rapport à l’école publique. Si les établissements sous contrat ne sont déjà plus maîtres du volume horaire global des cours dispensés, ils sont en revanche encore libres de répartir les heures à leur guise sur l’année. Alors pourquoi renoncer à cette liberté ?
Si la réforme est bonne, n’est-il pas suffisant de laisser les établissements scolaires volontaires s’en inspirer ? Mais la réforme a un coût, nous rétorquera-t-on, et il est injuste que le privé le supporte intégralement alors que le public sera aidé à le prendre en charge. C’est vrai que c’est injuste, mais ce ne sera pas la première injustice subie par l’école librement choisie par les parents. Et puis, ce n’est vraiment pas l’injustice la plus grave contre laquelle il faut se battre aujourd’hui en matière d’éducation. La persistance de la gratuité exclusive du public n’est-elle pas plus choquante alors qu’elle interdit aux familles les moins aisées de bénéficier de leur droit à choisir l’école de leurs enfants ? Sans parler de l’absence de liberté dans les programmes scolaires, enjeu qui prend un tour nouveau avec l’idéologisation croissante de leur contenu, ces dernières années ?
L’Enseignement catholique va-t-il renoncer une fois de plus de lui-même à des libertés qui concourent à sa spécificité, et donc à sa raison d’être, au nom de pures considérations financières ? C’est déjà ce qui s’était passé en 1992-1993 avec les accords Lang-Cloupet, par lesquels l’Enseignement catholique avait renoncé à la liberté de former ses professeurs pour les confier aux IUFM de sinistre mémoire en contrepartie d’une augmentation du forfait d’externat et d’une amélioration de la prise en charge de la formation initiale des enseignants. Ces accords avaient vu l’État reconnaître officiellement la contribution de l’enseignement privé au système éducatif. Cette reconnaissance a alimenté une grave dérive intellectuelle : celle de penser que la légitimité de l’école catholique procéderait d’un mandat de l’État, d’une participation au service public d’éducation par voie de délégation de service public, et non plus des droits non négociables des citoyens et des droits sacrés de l’Église et de la société civile. Une telle confusion intellectuelle prépare les défenseurs de l’école libre à perdre toute les batailles.
Mais pourquoi donc l’Enseignement catholique a-t-il autant besoin d’être reconnu par l’État ? Est-il si peu sûr de lui, de son charisme éducatif ? Savary aurait-il gagné au fil des ans, dans les esprits, ce qu’il avait voulu imposer par la loi et qui lui avait été refusé par la rue en 1984 ?
Éric de Labarre recherche donc à obtenir du gouvernement de l’argent pour une réforme que l’État ne lui avait pas demandé de mettre en place. Il y a meilleure posture de départ pour négocier ! « Si on n’obtient pas satisfaction, nous serons obligés de dire aux écoles de faire comme elles veulent », menace-t-il. Et si c’était aujourd’hui la solution ?
Anne Coffinier