Une pétition en faveur de la Liberté de l’éducation

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Devant l’offensive gouvernementale, un collectif d’associations lance une pétition en faveur de la liberté de l’éducation. Toutes les sensibilités se retrouvent dans ce juste combat ! Nous reproduisons ici le texte de la pétition, et vous invitons à la faire circuler.


Au crépuscule du 19ème siècle, en pleine Révolution Industrielle, la France a été confrontée à la nécessité d’instruire et former ses citoyens afin d’assurer la cohésion d’un Etat-nation récemment constitué et de faire face à l’immense besoin de main-d’œuvre lié au développement économique. C’est ainsi que les lois dites « Jules Ferry » de 1881-1882 virent le jour qui rendirent notamment l’instruction des enfants de 6 à 13 ans obligatoire.

Ce seuil passera à 14 ans en 1936 à l’initiative de Jean Zay, et Jean Berthouin le fixera à 16 ans en 1959. La France signa aussi, en 1989, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, dont l’article 28 reconnaît le droit des enfants à l’éducation et encourage l’organisation de différentes formes d’enseignement secondaire, respectueuses de la dignité des enfants, pour faire reculer l’analphabétisme et l’ignorance dans le monde.

Toutefois, et contrairement à une légende tenace, l’école n’a jamais été obligatoire ni dépendante de l’État. Au contraire, la France est un pays dans lequel la liberté d’enseignement a toujours été savamment préservée au nom de principes fondamentaux pour un peuple émancipé : la liberté de choix des parents et le droit à la différence.

A l’heure où l’humanité est confrontée à des défis écologiques et sociaux sans précédent, impliquant une remise en cause profonde de nos modes de vie et de nos institutions, il est plus que jamais vital que des alternatives voient le jour, en particulier dans le secteur de l’éducation. Emile Durkheim n’avait-il pas qualifié en son temps l’école de « séminaire de la société », elle qui joue un rôle décisif dans la construction de l’identité collective d’un pays ?

Pourtant, près d’un siècle et demi après Jules Ferry, notre entendement collectif n’est pas froissé par l’idée qu’il n’y ait qu’un et un seul mode d’apprentissage toléré. La société trouve normal, voire nécessaire, que les enfants passent l’essentiel de leur journée à absorber un savoir dont ils ne saisissent que rarement l’intérêt ou le sens, à un rythme qui ne convient qu’à une minorité, le tout dans un contexte coercitif et ultra-compétitif. Par ailleurs, cette même société est très largement indifférente au sort que le système traditionnel réserve à une proportion croissante d’enfants différents (« dys », autistes légers, asperger, enfants précoces ou atteints de pathologies handicapantes mais non reconnues par l’administration…), en les négligeant et en ne prenant pas en compte leurs particularités.

Or loin d’être naturelle, cette conception de l’apprentissage est tout à fait contingente et mériterait d’être remise en question, notamment en raison du gâchis monumental qu’elle génère en mettant en échec des dizaines de milliers d’enfants tous les ans, perdus pour une société dont ils auraient pu devenir les acteurs impliqués et influents. Nous devons offrir à notre jeunesse des perspectives plus enviables que celles d’un système scolaire qui a le pouvoir de les broyer et qui obère totalement leur épanouissement.

Ainsi, de nouveaux paradigmes éducatifs émergent partout en France depuis plusieurs décennies, grâce au travail acharné des pionniers convaincus que d’autres chemins sont possibles. Prise en charge de l’instruction par les familles, écoles hors contrats de toutes sortes, Freinet, Montessori, Steiner-Waldorf, démocratiques… Le champ des possibles n’a eu de cesse de s’élargir, grâce également aux travaux de scientifiques comme les Professeurs Cyrulnik, Dehaene en France et d’autres chercheurs dans le monde entier, ayant démontré par les neurosciences l’importance du plaisir, du jeu et de la confiance pour l’apprentissage. Preuve de leur nécessité sociétale, ces modèles alternatifs ont très vite suscité l’intérêt de l’Education Nationale, les années 60 voyant apparaître dans les textes officiels de l’Education Nationale la notion “d’innovation”. Celle-ci est considérée depuis lors comme un sujet de réflexion fondamental pour un système éducatif français en quête de renouveau. De ce fait, un grand nombre d’écoles ou de classes à projets spécifiques ont vu le jour dans le système public également, où ils revêtent une valeur expérimentale.

A rebours de la pédagogie traditionnelle, toutes ces approches placent les enfants et leurs différences au cœur des réflexions, en s’adaptant à leurs rythmes et inclinations, tout en leur permettant de développer les qualités qui en feront des citoyens accomplis : autonomie, débrouillardise, confiance en soi, capacité de réflexion, aptitude à la prise d’initiative, sens critique, capacité à débattre et délibérer, esprit de coopération…

Ainsi, l’enrichissement du paysage éducatif français à travers une interaction constante entre le privé et le public a permis d’apporter un début de réponse à la variété des aspirations, aptitudes et besoins pédagogiques de chacun. Ce pluralisme correspond à une demande forte de notre société, soucieuse de prendre en compte les différences et de poser des choix libres.
Malheureusement, l’Etat français, en la personne de la Ministre de l’Education Nationale, a décidé au mois de juin 2016 d’interrompre cette dialectique progressiste et de mettre au pas les éducations différentes. Depuis quelques mois, les appareils législatif et exécutif ont en effet initié un ensemble de démarches visant à faire rentrer dans le rang l’instruction en famille et les écoles privées hors contrat, au nom d’une prétendue lutte contre le sectarisme et la radicalisation, toujours pas chiffrée ni démontrée à ce jour.

Le 28 octobre dernier, un décret extrêmement préoccupant a été pris qui impose un net durcissement des exigences en terme d’acquisition des connaissances et compétences par les enfants instruits dans la famille ou dans les établissements d’enseignement privés hors contrat. Désormais, les objectifs et attentes fixés (sans pour autant être respectés dans les faits) par l’Education Nationale pour les élèves de 6 à 16 ans seront la référence des inspecteurs dont les prérogatives seront considérablement étendues. Ainsi, non seulement ils continueront de contrôler régulièrement le contexte de l’apprentissage (le domicile pour l’instruction en famille, les établissements pour l’école privée hors contrat), mais ils auront désormais également la possibilité d’interroger les enfants eux-mêmes. Dès lors, ils pourront soumettre périodiquement ces derniers à des évaluations écrites et orales, en se référant aux attendus de la pédagogie appliquée dans les classes des écoles de la République.

Peu importe que les approches alternatives voient le jour précisément pour échapper au carcan de l’évaluation incessante, de la mise sous pression et de l’adaptation à une norme scolaire fixée arbitrairement : désormais, il faudra apprendre ce que l’autorité publique considère comme nécessaire, au rythme qu’elle aura défini et avec le système d’évaluation qui lui sied. On prend aisément la mesure du péril que ce décret fait peser sur les familles refusant de se conformer au moule de l’Education Nationale.

Par ailleurs, un projet de loi porté actuellement par le gouvernement vise à légitimer le décret du 28 octobre et modifier les modalités d’ouverture des écoles privées hors contrat, afin de passer du régime de la simple déclaration au dépôt préalable d’une demande qui devra être fait quatre mois au minimum avant l’ouverture. Ceci permettra à l’académie de vérifier que le projet pédagogique est conforme à ses propres attendus et critères éducatifs… avec les conséquences que l’on peut imaginer : un établissement ou des familles qui se fixent des objectifs d’apprentissage et de rythme différents de ceux de l’administration auraient-ils la moindre chance d’obtenir le blanc-seing de l’Etat ?

Indéniablement, la protection de l’enfance est un acquis fondamental dans notre pays, et il est légitime que l’autorité publique prenne ce sujet au sérieux. Toutefois, dans le contexte des urgences sociétales, économiques et environnementales du 21ème siècle, seuls le pluralisme et le débat contradictoire sont à même de générer des pratiques réellement novatrices et à la hauteur des enjeux. Or l’introduction de ces obstacles législatifs est une menace à la liberté d’instruction et d’éducation, et donc à la vivacité de la société française toute entière.

Face à ces évolutions inquiétantes, nous, pionniers de l’éducation, citoyens engagés, enseignants du quotidien, parents acteurs, souhaitons réaffirmer avec force notre attachement à la liberté citoyenne mais aussi et surtout au droit de chacun à choisir son quotidien éducatif. Parce que nous croyons aux principes édictés par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui dans son article 26 indique que « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants », nous voulons que la France continue d’être un pays où la liberté d’instruction jouit du respect qui lui est dû.

Nous coopérons déjà chaque fois que cela est rendu possible avec les acteurs du système public, et ces interactions sont fructueuses, tournées vers l’innovation et le bien-être de l’enfant. Toutefois, nous souhaitons que les familles ne désirant pas se conformer au modèle éducatif majoritaire, qui met en échec une partie considérable de notre jeunesse, aient la possibilité de s’organiser autrement.

Ainsi, au nom de la liberté d’enseignement, dont le Conseil Constitutionnel a reconnu le 23 novembre 1977 qu’elle est « un principe fondamental reconnu par les lois de la République, ayant donc valeur constitutionnelle », nous demandons au gouvernement, aux députés, sénateurs et au Conseil Constitutionnel récemment saisi du dossier législatif, de mettre fin à l’offensive dont l’instruction en famille et l’école privée hors contrat sont les victimes.

Des candidats à l’élection présidentielle nous attendons des engagements pour supprimer les dispositions contraignantes qui seraient prises par les articles 31 et 39 de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté ainsi que le retrait des dispositions du décret n° 2016-1452 du 28 octobre 2016 relatif au “contrôle de l’instruction dans la famille ou des établissements d’enseignement privés hors contrat”.

La pluralité et la diversité sont une force: partageons autour de nos différences, et cultivons une approche de la complémentarité plutôt que de la normalisation. Oui à une éducation ouverte et multiple, forte de sa richesse d’alternatives!

Signataires:
Ecole Démocratique de Paris, Le Printemps de l’Education, Collectif Felicia, APAPS (Association des parents et amis de la pédagogie Steiner), Ecole Ella…

Pour signer la pétition, rendez-vous sur https://www.change.org/p/oui-%C3%A0-la-libert%C3%A9-de-l-%C3%A9ducation