Le blog de la liberté scolaire : Voilà 10 ans que vous avez fondé le village des plateaux. Quel était votre souhait alors que vous quittiez une vie professionnelle de directrice d’école de l’Enseignement catholique sous contrat ?
Christine Paturel : J’ai tellement vu dans ma carrière de jeunes ayant des capacités intellectuelles, mis à l’écart ou orientés dans des institutions spécialisées, telles que les IME ou IMP, tout simplement parce que le système scolaire qui leur était proposé ne leur convenait pas ! L’on a vite fait de poser des jugements ou de mettre des étiquettes sur des enfants en échec scolaire qui ne correspondent pas à la norme ou ne sont pas sur des rails. J’ai tellement souffert de cet état que j’avais dit que lorsque je serais à la retraite, je monterai une structure qui permettrait à des jeunes de reprendre confiance en eux et en m’adaptant à eux et non eux à moi. Et c’est ce que nous avons fait avec mon mari en ouvrant notre maison et en accueillant des jeunes en échec scolaire. Depuis 10 ans, 94 jeunes sont repartis vers un avenir serein. Nous avons surtout accueilli des jeunes de familles peu aisées et qui ne savaient pas ce que voulait dire “aimer”.
Vous avez su mobiliser de nombreux bénévoles autour de vous. Beaucoup d’entre eux apportent non seulement leur bonne volonté mais aussi des compétences éducatives. Comment avez-vous constitué cette équipe éducative ?
Je crois que pour motiver des personnes à venir partager un projet comme le nôtre, il faut rester soi-même, être simple, et surtout être authentique. Il faut croire à ce que l’on fait et aimer partager. Avoir beaucoup d’enthousiasme, être avec les personnes, montrer l’exemple, dynamiser son équipe, leur faire confiance, leur dire et leur montrer qu’on a besoin d’eux. Les gens ne se trompent pas sur les intentions de celui qui demande. On est heureux quand on vient vous demander quelque chose, on est heureux que l’on ait besoin de nous, c’est valorisant. Ainsi, petit à petit, nous avons eu beaucoup de bénévoles et pu constituer une équipe.
Vous « remettez sur les rails » les enfants qui vous sont confiés. Sur quelle pédagogie originale vous appuyez-vous ?
Nous n’avons pas une pédagogie très originale mais nous essayons surtout de connaître chacun et de nous adapter à lui. Nous pratiquons beaucoup la « pédagogie de la réussite, encourageant le jeune dans tout ce qu’il fait, en lui donnant la possibilité de se tromper, en croyant en lui, en valorisant ses réussites, en créant un climat de confiance, de chaleur, de joie, de patience, en reconnaissant l’enfant tel qu’il est, en favorisant sa créativité, en s’adaptant à son rythme, en pratiquant des activités transversales : musique, théâtre, jardinage, élevage, peinture, cuisine, couture, sport.
En réalité, pour aider les jeunes à sortir de leur échec, nous n’avons pas de recette mais nous avons une clé, la seule capable d’ouvrir toutes les portes, c’est la clé de l’Amour, non l’amour qui vient de nous mais l’Amour qui coule en nous, l’Amour par lequel nous existons. C’est la seule clé qui permet de dépasser leurs peurs et leurs échecs. Les programmes pédagogiques sont les mêmes que ceux de l’Education Nationale mais ils sont transversaux et investissent les jeunes dans la découverte des cycles du vivant. Ils leur enseignent que tout est relié. Nous nous inspirons de Freinet, Montessori, Lagaranderie mais tout est personnalisé en fonction de chacun.
Vous venez d’inaugurer la « ferme école du Village des plateaux ». Pourquoi cette dénomination ?
Avant tout, le village des Plateaux voudrait être un village solidaire où jeunes et ainés se côtoient et s’apportent mutuellement. Et pour poursuivre le projet, ça serait un quartier pour les ainés, un quartier pour les adultes eux aussi blessés par la vie.
Pourquoi la « ferme école » ? Nous pensons que la ferme est un lieu d’ancrage privilégié avec la réalité. Replacer au cœur d’un lieu vivant les apprentissages théoriques et pratiques offre aux jeunes de s’épanouir pleinement. La ferme propose le développement en parallèle « de la tête, des mains et du cœur ». Des ateliers quotidiens permettent l’acquisition de compétences manuelles et artisanales qui contribuent efficacement au développement du cerveau. Puis, c’est dans la participation à un projet que le jeune apprend à être responsable. Et, investir le jeune de responsabilités est le seul moyen de lui redonner le sens de l’effort. Outre la confiance en soi, la présence d’animaux apprend aux jeunes à gérer ses émotions. L’animal est le point d’appui idéal pour établir un nouveau mode de relation avec l’adulte.
A travers une pédagogie active fondée sur la confiance en lien avec la nature, les jeunes se reconstruisent. Et c’est bien l’école de la vie, une vie d’école au sein d’une ferme.
Le site de la ferme école : http://villagedesplateaux.voila.net