XXX siècles de la civilisation européenne au cours des XI années de scolarité

culture grecque” En Russie, quand nous commençons à apprendre aux enfants à écrire, nous leur disons que les lettres de notre alphabet sont empruntées au grec, qui, au 9ème siècle après J.C., était utilisé par les Byzantins ; que ce type d’alphabet grec (oriental, ionien) a été adopté à Athènes en 403 avant JC ; que l’alphabet grec dans ses formes primitives a été créé au début du premier millénaire avant J.C.. De cette manière nous commençons à initier nos jeunes à l’histoire des trente siècles de la culture européenne à laquelle nous appartenons … “

C’est ainsi que Yury Shichalin, directeur du Musée Gréco-Latin à Moscou, commence son exposé sur les trois millénaires de la culture européenne, la seule de toutes les cultures du monde qui ait une si longue histoire de développement ininterrompu et qui a acquis une expansion planétaire. L’invention de l’alphabet était une révolution dans le stockage et la transmission de l’information, et jusqu’à nos jours nous continuons à profiter des fruits de cette brillante découverte des Grecs.sanzioatene

L’alphabet a été complété par l’utilisation du papyrus qui s’est répandu en Grèce au début du 6ème siècle avant J.C., ce qui a conduit à la naissance de la prose et de la science – c’est ainsi qu’a commencé l’ère millénaire des rouleaux de papyrus.

Mais au 4ème siècle après J.C., les trésors de la littérature, de la philosophie et de la science grecques ont été transférés vers les nouveaux médias : d’abord le codex de parchemin, puis livre écrit à la main que l’Europe cultive durant un millier d’années.Après l’invention de l’imprimerie,c’est le livre imprimé qui domine en Europe durant cinq cents ans, et qui – avec le système des bibliothèques et des magazines scientifiques et populaires – détermine toutes nos approches éducatives jusqu’à une époque toute récente.

A la fin du 20e siècle, les ordinateurs et les technologies multimédias sont devenus – rapidement et puissamment – un élément très important de notre vie, et ce sont eux qui conditionnent notre traitement actuel de l’information. Si (comme Sénèque) nous voulons éduquer nos étudiants vitae non sholae, il ne faut pas manquer de prendre en considération les changements qui se sont produits. Mais si nous ne comprenons pas qu’il s’agit d’un événement habituel dans le cadre de la culture européenne, c’est à dire de la quatrième révolution dans le stockage et la transmission d’informations, et que toute la particularité des temps modernes consiste dans le fait que la culture européenne à ce stade de son expansion est la seule qui se soit répandue sur toute la planète – nous ne pouvons pas préparer nos enfants à comprendre le monde moderne, et nous les nourrirons avec des histoires d’un monde que nous ne comprenons pas nous-mêmes.

Cependant, ces trente siècles de la culture européenne, qui ont créé notre modernité et qui la définissent, ont une autre dimension importante. Pendant 25 siècles (à partir de l’invention de l’alphabet et à la destruction de Constantinople), la langue principale de l’Europe a été le grec et pendant 23 siècles (à partir de la seconde moitié du 3ème siècle avant JC jusqu’au 20ème siècle) la deuxième langue la plus importante a été le latin.

Si nous ne le comprenons pas, nous passons à côté de l’essentiel de notre culture européenne. Mais cependant, la culture européenne d’aujourd’hui a déjà réalisé une de ses étapes habituelles, puisqu’elle a transféré ses textes les plus précieux aux nouveaux médias. Le premier assistant de l’Europe est en effet l’Américain David Packard, dont le nom restera gravé dans l’histoire de l’Europe non seulement en raison de HP-produits, mais surtout comme le nom d’un des initiateurs et des créateurs de la TLG – Thésaurus Linguae Graecae: grâce à lui la tradition grecque est devenue la propriété de tous étudiants dans tous les coins de notre petite planète …

Mais si nous le comprenons, nous pouvons voir que les trois millénaires de l’Europe doivent être considérés sous un autre aspect très important. Le premier millénaire de l’Europe a formé la richesse de la langue grecque, qui est la langue maternelle de l’Eglise chrétienne ; la deuxième langue de l’Eglise fut le latin, or les deux langues formèrent l’ensemble de l’Europe chrétienne au cours du premier millénaire, qui fut le deuxième millénaire de l’histoire européenne ; le troisième millénaire fut marqué par l’existence de deux traditions distinctes – orientale et occidentale – et la seconde moitié de cette époque fut marquée par une fragmentation accrue de la tradition occidentale.

On se pose la question: pourquoi ce fut le latin à devenir la deuxième langue de l’Église chrétienne? – C’est parce qu’après les Grecs ce sont les Romains qui furent la deuxième nation de l’Europe et en même temps la première nation qui montra à toutes les autres nations ce que signifie que de « représenter la culture européenne » : après les Romains et sur leur modèle, les Européens ne sont que les nations qui savent reproduire les meilleures réalisations des Grecs par leur propre langue et les inclure dans leur système scolaire. C’est de cette manière que toutes les autres nations sont devenues des Européens : tout d’abord les barbares luttent contre les Romains (Romani ou Rhômaíoi=les Byzantins), mais ensuite les anciens ennemis étudient le grec et le latin, reproduisent au moyen de leur langue maternelle les plus importants des réalisations de l’Europe gréco-romaine, et sur cette base créent leurs propres systèmes d’éducation.

« Je ne connais aucune exception à cette règle » – dit Yury Shichalin ; et ensuite lui et sa femme Hélène Shichalin, directrice du Lycée classique auprès du Musée Gréco-Latin, de poursuivre leur conférence en racontant l’expérience pratique du travail des enfants de l’école qu’ils ont créée à partir de ce point de vue sur l’histoire de l’Europe.